Tu es prudente. Vraiment, Karhlya. Voilà six ans que tu parcours les plaines pleines de titans à dos de canasson, que tu t’accroches aux arbres, que tu virevoltes, et surtout, que tu abats des titans. Au moins un à chaque mission, tu t’en es assurée, c’est comme un rituel. Généralement, c’est bien plus. Mais toujours au moins un, comme pour te prouver que tu as une utilité. Et là, tu ne l’as pas vu venir. Vraiment pas. Ou si, mais trop tard, et tu as fais ce que tu as pu pour sauver les meubles, parce que, tu t’es senti ce devoir. Comme si tu voulais faire honneur à cette promotion … C’était censé être un test, aujourd’hui. Une escouade presque vide, ton futur mari en soutien, et quelques soldats inconnus pour remplir les postes vacants, en attendant d’avoir des places occupées de façon définitive. Ouais, Karhlya, clairement, tu as probablement essayé de faire au mieux, et le résultat a été désastreux.

Tu n’es probablement pas la première qu’il a avalée, c’est ce qui a déclenché cette rage en toi, tu fonçais pour l’abattre, il n’a qu’a tendre la main, par serrer, fort, et entre ses doigts, tu as eu l’impression de suffoquer, de manquer d’air, d’oxygène. C’est comme ça que tu as perdu connaissance, que tu as cessé de te débattre, de tenter de taillader dans ses chairs pour le forcer à te relâcher. C’est comme ça qu’il a finalement réussi à te soulever, par les pieds, pour te porter jusqu’à sa bouche et … te dévorer, sous les yeux de bien des soldats.

Tu ne te souviens de rien, depuis le moment où tu as perdu pied avec la réalité. En fermant les yeux, tu as pensé à ce mariage, et surtout, à Laszlo, et puis, tout est devenu noir, et tu pensais probablement mourir à ce moment précis, sauf que … Voilà que tu ouvres les yeux, que tu bouges, tu te redresses. Le soleil est en train de décliner, lentement, tu es allongée dans l’herbe, couverte d’une substance visqueuse écœurante et près de toi, trois femmes, allongées, encore inconscientes. Ton premier réflexe, c’est de secouer Sage, parce que tu la reconnais immédiatement. Tu viens tapoter son visage, avant d’avoir ce réflexe de lever les yeux, de voir ce titan qui est tranquillement accroupi devant vous, et qui te fixes, alors que tu t’agites, mais surtout, que tu te figes, sans un mot, les yeux rivés sur cette créature à te demander quand est-ce qu’il va se décider à vous dévorer …

T’as pas compris… Enfin si, mais non. T’étais là, puis y’a eu ce titan. Toi, t’as foncé droit dessus en dépit des ordres de Hodgen qui essaie toujours de garder les trucs classes et le mérite pour lui. Alors ouais, t’as foncé en criant, et brusquement, y’a un cheval volant non identifié qui est retombé pile devant Hotaru qui… a pilé. Et toi, t’étais si bien levée sur ta selle que tu as fait un vol plané et pendant un instant, tu t’es même dit que c’est comme ça que les oiseaux apprennent à voler. Puis non. T’es retombée en roulé-boulé violent.

Tu sais quoi, Tessa ? Quand le gros titan moche t’a attrapé, bah t’as pas crié. En faite, tu l’as même pas regardé dans les yeux, ou insulté comme tu le fais toujours. En faite, t’as tourné la tête et t’as cherché Alek des yeux, comment pour t’excuser. Sauf que, petite, t’as même pas eu le temps de le trouver dans le flot de combattants qui courraient vers toi. Ensuite… t’es tombé dans sa bouche, ta tête a cogné contre ses dents, puis trou noir…

¤ ¤ ¤

Tu reviens à toi difficilement. T’as l’impression de nager dans une rivière de bonbon liquide, gluant et puant, et ça te retourne le coeur, d’un seul coup. En faite, tu roules d’un seul coup, parce que l’odeur s’infiltre dans ton nez, et d’un seul coup t’as juste le temps de rouler sur le côté et tu vomis le super repas nul de la veille en grognant comme un vieil animal blessé.

« Putaaaaain ça colle ! C’est quoi ? Où j’suis ? Qu’est-ce qui… Tes yeux tournent et tu découvres une brunette déjà en train de secouer Sage, et à côté, Astrid toujours dans les vapes. Et les trois sont… répugnantes. Au moins autant que toi. Eh ! Eh toi t’es caporale non ?! T’es… Ainsley ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? T’es penchée sur Astrid et contrairement à la petite brune, tu viens lui foutre une bonne paire de baffes. Astrid, bouge tes grosses fesses, on est dégueulasse et ça puuue ! Sauf que tu vois le titan pile au même moment, et tu te places devant ton amie. Qu'est-ce qu'il a, celui là. Il est amoureux ? »

T’es chiante, Theresa, ça y est… ça commence.

Tout est allée trop vite. Tout à volé dans tous les sens. Je ne sais plus comment j'ai atterri dans sa main. Mais j'y suis, coincée entre son pouce et son index puant. Comme si j'étais un amuse-gueule. C'est d'ailleurs là que j'atterris. Dans sa gueule. Qui pue encore plus que ses doigts. Je n’aurais pas d’autres souvenirs puisque c’est subitement le noir.

On me secoue. Un instant, je me demande ce que Véga me veut pour me réveiller en pleine nuit. Avant que les souvenirs ne me reviennent. Je me redresse vite. Trop vite. Et ça tourne dans ma tête. J’y pose une main, recouverte d’une substance visqueuse. Comme le reste de mon corps. La voix de Thérésa résonne, alors que je n’ai même pas encore ouvert les yeux. Ce qui ne m’aide pas à aller mieux. A l’énonciation du nom de ma future belle-soeur, je les ouvre néanmoins. Mon regard tombe d’abord sur Astrid qui se fait malmené par la rouquine. Puis je vois Karhlya figée à mes côtés. Je suis la direction de son regard et me fige à mon tour. « C’est quoi ce deviant ? » Il est là accroupi sans bouger, en train de nous fixer. A moins qu’il ne fixe que Kahrlya. Et oui, Theresa a raison, on pourrait croire qu’il est amoureux. Ce qui ne m’empêches pas de ressentir cette peur qui me bouffe de l’intérieur. Parce que s’il n’est pas amoureux… « Ou alors il est en train de choisir laquelle d’entre nous il va manger en premier. »

Tu vois Astrid, c’est la seconde fois que tu sors. La seconde. Et la première sous les ordres de Hodgen. Et si tu es bien plus confiante que la dernière fois… La mission actuelle semble tourner au fiasco total avec l’arrivée de ce titan qui semble… anormal. La formation est dans un bordel monstre, alors que vous repartez vers les murs sans trop de casse, et que ce déviant finit par se mettre au travers de votre chemin. Et là ma grande… tout fout le camp, tu le vois bien. Il n’y a plus d’équipe, les ordres fusent dans toutes les directions, et toi, tout ce que tu vois, ce sont des morts parmi les rangs, et ta rouquine de coéquipière qui s’élance dans un cri vers le monstre.

Et… tu sais quoi? Tu sais pas ce qu’il te prend, mais tu n’entends plus les ordres, tu n’entends plus rien de ce qu’il se passe autour. T’es focalisée sur ton binôme, ton amie, que tu vois aller au devant d’une mort certaine. Et tu te dis que… tu ne peux tout simplement pas la laisser seule. Alors tu fais virer ton cheval, t’essayes de la rattraper, mais tu vois il y a ce cheval qui vole, qui fait piler celui de ta camarade et… qui fait cambrer le tien qui t’éjecte de son dos. Sauf que bien évidemment, toi et les chevaux c’est toujours pas l’amour fou faut croire, et t’as l’un de tes pieds qui reste coincé dans l’étrier pendant un bon moment, de ce fait il te traîne même sur quelques mètres le temps que tu réussisses à te dégager. Et tu vois, lorsque tu finis enfin par t’arrêter, roulant sur le ventre pour essayer de te relever… Tu sens maintenant une ombre au dessus de toi.

Un visage, horrible, un sourire carnassier, des yeux brillants… Tu renverses la tête en arrière. Pour voir arriver la mort en face. Et tu cris même pas non, lorsque tu sens ses doigts agripper ta jambes. Tu cherches à te débattre mais ma pauvre, le fait que ton canasson t’ai traînée t’as laissé que tes poignées et tes lames. Tu peux même pas dire de t’envoler pour le fuir. Et tu entends les glapissements des chevaux, le hurlement des soldats. Tu ne sais pas s’ils se dirigent vers toi, s’ils t’abandonnent ou s’ils s’enfuient. Tu es dans les vap’. Tu n’entends plus rien, mis à part les battements de ton cœur qui sont maintenant extrêmement rapides. Tête en bas, tu vois doucement la morte s’approcher tandis que tu sens le poing du monstre se refermer sur toi, t’empêchant de respirer. Et si le noir se fait rapidement autour de toi, toi, ta dernière pensée va vers Hodgen. Tu lui avais juré que tu serais toujours là pour lui. T’auras pas fait long feu ma vieille…

✽✽✽

Ce sont des coups qui finissent par te sortir de ton sommeil. « Qu’est-ce que... » Tu te redresses d’un coup, crachant un liquide dégueulasse qui s’est infiltré dans ton corps. Tu te redresses, te met à genoux et regardes, hébétée, ce qu’il se passe autour de toi. « On est vivante... » Que tu finis par dire en regardant autour de toi et en trouvant… trois autres filles. Et c’est lorsque tu remarques le visage de la rouquine que tu te jettes dessus. « Theresa ! » Tu la prends dans tes bras et la sers fort contre toi. « Mais qu’est-ce qui t’a pris de filer toute seule comme ça sans attendre qui que ce soit ? » Et c’est là que tu le remarques. Ses yeux brillants posés sur vous. « Euh.. J’ai pas vraiment envie d’attendre qu’il choisisse. » Ouais. Gobée une fois ça te suffit hin. Tu redresses ta lame. « J’ai pu d’équipement, dites moi que l’une de vous peut s’en charger. »

C’est limite si tu ne viens pas d’arrêter de respirer, le temps de te rendre compte de ce qui est en train de se passer. Toi qui étais occupée à secouer Sage pour tenter de la réveiller, voilà qu’en levant le nez, tu tombes sur ce titan, bien étrange, simplement occupé à vous observer. C’est limite si tu ne peux pas discerner un étrange sourire sur son visage, tiens … Tu ne sais pas comment réagir. Tu ne bouges pas, il ne bouge pas non plus, cependant, tour à tour, voilà que les filles s’éveillent, et si tes yeux ne lâchent pas la créature, par crainte qu’il ne décide à attaquer, tu entends parfaitement les voix qui s’élèvent, et ton premier réflexe, c’est de froncer les sourcils. La rouquine, Karhlya, elle parle trop. Pas que tu ne sois devenue sévère avec le grade, hein, non, c’est juste que tu es particulièrement inquiète, à cause de ce titan. « T’as été bouffée. » Que tu finis par simplement lâcher. Toi aussi. Les deux autres aussi. Vous n’êtes pas mortes, cependant, et ça, c’est sans doute le plus étonnant dans toute cette histoire. Vous avez bien été gobées, il suffit de voir la quantité de bave de titan qui vous couvre … mais il n’a pas croqué, il a recraché, maintenant, il vous observe sans tenter de vous avaler à nouveau. « J’en sais rien … » Un déviant, ouais, probablement, elle a raison, mais un déviant sacrément plus déviant que tous les déviants que tu as pu croiser jusqu’à présent, c’est un fait.

Le plus étrange, c’est que malgré l’agitation sous son nez, les éclats de voix, il ne bouge toujours pas. Tu finis donc par te redresser, et tu tires tes lames, subitement tout en lui faisant face … Le truc, c’est que tu n’as pas le temps de faire le moindre mouvement à son encontre, de sa main, il vous repousse toutes les quatre, et si tu étais debout, tu chutes à nouveau lourdement alors que lui se redresse pour finalement … partir en courant. Et toi, te voilà à genoux, lames au sol, que tu reprends entre tes mains pour les remettre à leur place. Et c’est là, Karhlya, seulement là que l’évidence te frappes subitement. Tu sautes littéralement sur tes jambes, ton nez se lève vers le ciel. Les consignes étaient claires, retour entre les murs en début d’après-midi, au plus tard milieu d’après-midi. Autant dire que c’est largement dépassé. Autour, il n’y a plus personne. « Où est … » Non. Ne termine même pas ta question. « On a … été laissées derrière. » Ouais, tu as beau regarder partout, pas la moindre trace d’un autre soldat que vous. Vous êtes à l’extérieur. Bien loin des murs parce que, tu as beau regarder partout, tu n’en vois pas du tout la moindre petite trace à l’horizon. « Ils sont rentrés. Ils ont dû penser qu’on avait été … dévorées. » Et on ne peut pas leur en vouloir, c’est exactement ce qui est arrivé. « Il faut qu’on trouve un moyen de rentrer. » Le problème, ma grande, c’est que, t’as pas de cheval, ton équipement fonctionne, mais … c’est visiblement le seul qui a l’air d’être en bon état et surtout, surtout, tu ne sais même pas quelle direction emprunter. « La nuit sera tombée d’ici une ou deux heures, on y verra plus rien, on doit au moins trouver un endroit pour se mettre en hauteur. » Ouais, et pour l’instant, c’est pas gagné, mais alors, pas du tout.

C’est fou quand même ça ?! Un Titan amoureux… P’tain ça remet en perspective tout ce que tu savais sur les titans. Attends, Theresa, ça veut dire quoi ? Ça a un coeur ? Et ça peut avoir un chagrin d’amour ? Ça donne quoi un titan qui pleure. Et puis… OH MON DIEU ! Comment ils font pour… faire des trucs avec des madames titans ?! Parce que vu sa taille, tu ne louperais pas le petit oiseau, mais t’as bien vu qu’ils n’en avaient jamais.

« Eh… Je crois que c’est un amour tout plat ? (platonique, mais le mot te revient pas). Il a rien pour… faire ce qu’il faut avec une femme. Vous croyez qu’il a le coeur brisé, là ? »

Nan, mais t’es sacrément putain de chiante, c’est un fait, mais pour le moment tu ne vois pas encore où tu es. En faite, t’es bien trop concentré sur toutes les questions qui te donnent l’impression de tomber à la renverse. Renverse qui arrive l’instant suivant quand Karhlya se lève, arme en main et que le titan triste vous fait valdinguer en arrière. T’as le temps de rien, qu’il part en courant.

« Ainsley, tu lui as brisé le coeur ! Tu viens attraper la main gluante d’Astrid. Tu crois qu’il va aller voir sa maman et son papa titan pour dire qu’une fille a voulu lever la main sur lui ? »

T’es sérieuse, c’est peut-être ça le pire. On peut dire quand même que t’as une jolie balafre sur le front, ça a dû encore te griller quelques neurones. Et pourtant, si t’entends bien ce qui se dit, si tu lèves la tête comme Karhlya, t’entends un bruit de pas tout près et tu passes de Theresa la folle, à la guerrière en quoi ? Un quart de second. Tes épées dégainées, tu bondis sur tes pieds, et…

« HOTARU ! C’est ta jolie pouliche noire. Tu cours vers elle et te voilà pendue à son encolure, en te tournant vers les filles. Elle est restée avec nous ! Je suis sûre qu’elle a mordu le con qui a voulu l’emporter loin de moi… Bien fait ! Tu prends un air inquiétant et les expressions ne cessent de changer sur ton visage. On a qu’à… Tu regardes autour de toi, avant d’aviser un bosquet, pas très grand, pas très haut. Aller dans les arbres ? Et tu finis par venir te planter devant la brunette toute fraîchement caporale. Je m’appelle Theresa d’ailleurs ! On va être amie, tu verras ! »

Avant de simplement glisser en arrière, en tenant la pouliche par la bride et en découvrant ENFIN, que vous êtes perdues, en plus d’être puantes. Et que ton équipement est complètement parti en morceau. Il ne te reste que tes larmes, et tu as vite fait de faire tomber toutes les sangles encombrantes par terre, pour ne garder que la partie armée.

« Vous croyez qu’ils vont venir nous rechercher ? Ta bouche se tord, et tu réfléchis un instant. J’suis pas certaine que quelqu’un viendrait me chercher moi. On n’a pas un fumigène, par hasard ? »

Vous êtes seules. Toutes les quatre. Il n’y a plus personne. Et ça ma grande, ça ça te fait quelque chose, parce que la première chose à laquelle tu penses… c’est que Hodgen doit te croire morte. Non seulement toi, mais aussi tes deux collègues. Et t’es déjà en train de te demander dans quel état il doit être lorsque tu vois le gros titan partir… Ouais. Partir. Comme ça. « Eeeeeh ! » Tu te relèves d’un bond après qu’il vous ai renvoyé au sol. « Pourquoi tu nous abandonnes ?! » Ouais. Et toi pourquoi tu gueules cette question au cul du titan qui s’éloigne tiens d’abord. Ça va pas bien la tête, tu veux rameuter tous les titans du quartier ou bien? Tu tapes du pied sur le sol, furieuse et nauséeuse. Si tu as déjà du mal à recracher la bave de titan qui s’est agglutinée dans tes voies respiratoires et qui te donne la nausée, tu finis bien vite par remarquer un peu plus loin, un scintillement lorsque tu tournes la tête. « Là bas ! De l’eau ! » Et c’est sans attendre les autres, mais en regardant si aucun monstre n’est en vu, que tu cours jusqu'au large cours d’eau, laissant Theresa et ses questions à la noix.

Ni une ni deux te voilà déjà à quatre pattes en train de te laver le visage et d’avaler, puis de recracher de grandes gorgées d’eau afin de te débarrasser du sale goût. Après avoir regardé une dernière fois autour de toi, tu viens te débarrasser de tes longues bottes avant de plonger tête la première à la flotte afin de tout frotter le plus rapidement possible. Tu restes un petit moment sous l’eau afin d’ôter le plus de bave possible, et après quelques trop longues minutes qui te font le plus grand bien, tu ressors de là. Entièrement trempée oui. Mais propre dans la mesure du possible. Tu attaches tes longs cheveux en queue de cheval avant de commencer à tordre ta chemise pour en ôter le plus d’eau. La chaleur aura tôt fait de venir te sécher entièrement, mais tu as besoin de t’occuper les mains. « Bon… On s’en fiche de ce titan. C’est bizarre ok, mais on peut pas apprendre grand chose de plus sur lui. » Tu te penches à nouveau vers la rivière pour boire cette fois, et tu remplies ta gourde, l’une des rares choses que tu aies encore sur toi. Un cheval. Un équipement. T’es pas là depuis longtemps mais il t’en faut pas plus pour savoir que c’est la merde. T’as jamais entendu parler de soldats qui sont resté dehors seuls et qui sont rentrés vivants.

« Qu’est-ce qu’on fait? » Tu te tournes vers les autres après avoir entendu leur questionnement. En soit tu te dis qu’il n’y a plus d’ordres qui tiennent alors que vous êtes livrées à vous même. Mais t’es la dernière recrue de l’équipe, clairement tu es celle qui connaît le moins les dangers de ces lieux. « On se trouve une cachette en haut des arbres et on attend la nuit pour bouger? » que tu lances avec un frisson qui n’a rien à voir avec le léger vent qui transperce tes vêtements humides. Non. T’as peur Astrid. Si t’avais au moins ton équipement tu te sentirais déjà mieux, tu pourrais faire quelque chose. Or là t’es livrée à toi même et… La violence d’une solution te frappe, simple. « Ou deux repartent avec le canasson tenter de trouver de l’aide et deux restent en arrière en espérant qu’on revienne les chercher? » Tu pinces les lèvres. C’est ce qui parait le plus logique Astrid. A pieds, dans les plaines, sans équipement, le risque est fort. Ne vaut-il mieux pas laisser une chance à ceux qui le peuvent? Bien évidemment lorsque tu poses cette question, tu sais déjà que tu seras laissée derrière si cette option est choisie. « Non j’ai qu’une gourde et… une boussole. » que tu finis par dire en fouillant tes poches. « Mais il devrait y en avoir dans la sacoche d’Hotaru Theresa non? T’as pas fait le plein? Tu les as perdu? »

Karhlya me rappelle la triste vérité. On avait été manger. Mais dans ce cas, il nous a recraché derrière. Ce qui n'a aucun sens. La peur me noue l'estomac. Me tord les boyaux. Quand les titans agissens comme on s'y attend, c'est plus facile de gérer. De voir venir. Mais là… On ne peut même pas savoir ce qu'il va faire ensuite. La preuve, il ne bouge même pas malgré l'agitation. Astrid s'est réveillée à son tour. Je baisse les yeux vers mon équipement à sa suggestion. Il me suffit de pas plus pour voir que c'est fichu pour le mien. « J'ai un grappin qui est fichu. » Le reste semble fonctionner. Mais pas sûre que j'aille très loin avec un seul. J'avais au moins des lames. Karhlya se lève pour vérifier ses lames. C’est là qu’encore une fois le titan fait une chose que nous ne pouvions voir venir. Il fait valdinguer ma belle-soeur. et nous aussi par la même occasion. « Laissez le partir les filles. Et Tessa, je te rapelle que Karhlya est fiancée. A mon frère. »

En voyant Hotaru revenir, je tente de siffler le mien sans succès. Je me décide plutôt à rejoindre Astrid dans l’eau. Se débarasser de cette bave est surement la meilleure des idées pour l’instant. « Se mettre en hauteur est sûrement la meilleure des idées. Mais encore faut-il qu'on puisse grimper...» Les fumigènes aussi peuvent être utile. « Faut qu’on arrive à savoir où on est pour utiliser les fumigènes. Il vaut mieux pas les gacher. » Que je reprend en essorant mes cheveux. Je fouille mes poche à mon tour mais je n’ai absolument rien d’utile. Je range tout dans les sacoches de mon cheval. « Par contre, pour moi c’est une mauvaise idée de se séparer. On sera toujours plus fortes ensemble. Et puis on ferait comment pour choisir qui reste et qui part. On tire à la courte paille ? » Et puis, un autre soucis plus urgent va se faire sentir aussi. Même si on se sépare. « Par contre, l'une d'entre vous sait chasser ? Parce que je pense que nos estomacs vont très vite se rappeler à nous. » Refléchir à ce qu'il faut faire et se débarasser de la bave de titan, rien de mieux pour se sentir de nouveau vivante. Même si tout le monde nous croit morte. Voilà qui fout le moral dans les chaussettes. Je croise le regard de Karhlya quand elle dit qu'on doit nous croire dévorées. Je viens doucement près d'elle et attrape sa main. Je ne m'empêcher de penser à ma famille. Et à Marshall. Bon sang, j'espérais vraiment qu'il n'était pas en train de culpabiliser en se disant qu'il aurait dû me protéger. Il avait bien dit qu'il se mettrait entre moi et les titans s'il le fallait. « S'ils pensent qu'il y a une chance pour qu'on soit en vie, ils viendront. »

Ca va vite. Tout va vite. Trop certaine pour ta petite tête vide, Theresa. T'as du mal à aligner les planètes dans ton esprit, mais tu finis par saisir l'essentiel : c'est la merde. Vous puez, y'a qu'un cheval, qu'un équipement entier, et accessoirement, on vous croie morte. Le truc, tu vois, c'est que toi, de toute façon, la moitié des gens qui te connaisse te croie morte environ tous les 1er du mois, alors ça ne te touche pas trop, mais tu sens bien que pour les filles, ça va être une autre affaire. Et bien sûr, t'imagines pas que, si on vous pense au fond d'un estomac de titan, personne viendra vous chercher. Ca c'est trop profond pour ton cerveau en bouilli (merci la blessure, hein, on dira).

« Ah putain, on peut boire cool ! »

Ta soif, et si tu voyais pas Astrid se jeter dans l'eau, bah... tu ferais probablement l'impasse sur le bain improvisé. Bon, du coup tu la vois, tu la suis. Si elle prend des précautions, qu'elle retire ses chaussures, toi t'es plutôt en mode bombe humaine qui se jette d'un rocher dans le cours d'eau. SPLASH ça fait et au passage t'essaies sûrement de les mouiller autant que toi. En faite, pour le moment, ça ressemble presque plutôt à une sortie entre copine, et toi tu te surprend à être sacrément... détendue en faite. Tu pourrais rire, si les filles étaient pas si sérieuse, sauf que Astrid vient dire un truc, tout à coup, qui... te gonfle de colère.

« Eh mais on va pas laisser quelqu'un derrière, t'es folle toi. Déjà ya que Hotaru, et j'suis presque sûre qu'elle va essayer de vous mordre si vous voulez lui monter dessus. Parce que ouais, toi tu l'as bien dressée ta pouliche. Elle est comme toi, incompréhensible et surprenante. On reste ensemble. Tu finis par aller à ta sacoche de selle quand Astrid te rappelle que tu es censée avoir des fumigènes. AH ! Le boool, j'ai un verre, deux noirs et un oranges. On va pouvoir faire des feux d'artifices improvisés, si on veut ! »

T'es complètement ravagée ma petite, c'est certain maitnenant. Alors qu'en faite, t'es juste en train de... craquer mentalement parce que tu te rends bien compte que vous êtes dans la merde. Et ca te fait chier. Vraiment beaucoup. Pour toi, un peu. Pour ces filles, surtout. Et maintenant t'apprends en plus que la petite brune gradée, elle est censée se marier, en plus. Quelle plaie, bordel.

« Hm. Moi si on me file soit des couteaux, soit un genre de lance, je peux attraper des trucs. Enfin... D'habitude, je fais de la chasse aux cons, mais ça doit être à peu près pareil. T'es sérieuse, tout à coup. Putain Theresa, t'es une vraie plaie. On va part où, vous croyez ? Tu regardes autour de toi, incapable de dicerner le nord et le sud. De toute façon, selon comment on se place, ça change tout, alors bon. J'imagine qu'on devrait se dépêcher de grimper quelque part, parce qu'on va avoir une horde de titans aux fesses d'ici peu ? Et sans le vouloir, parce que toi tu prends jamais de décision, tes yeux glissent sur les trois filles, comme si tu n'étais rien de plus qu'une enfant perdue. Et... c'est un peu ce que tu es. »

Et bah subitement, Karhlya, t’es … sacrément tendue. Ce fichu titan vient littéralement de détaler, et te voilà, silencieusement maintenant, après avoir énoncer des évidences qui ne sont pas si facile que ça à avaler, à vérifier ton équipement. Tu ne dis plus rien pendant un sacré bout de temps, tu suis le mouvement, tu viens te débarrasser de ta veste, tu dégages ta chemise qui était rentrée dans la ceinture de ton pantalon, tu l’ouvres, tu vas dans l’eau, tu te débarrasses de cette bave poisseuse et sacrément dégueulasse, et puis, tu reviens sur la berge, complètement trempée, dégoulinante de flotte et surtout … toujours enfermée dans ton putain de silence.

Tu devrais probablement être celle qui prends les choses en main, mais avant de réussir à faire quoi que ce soit, tu dois réussir à te calmer. Tu te connais, la pression, ce n’est pas ta meilleure amie, quand tu as l’impression de bouillir, d’être une vraie cocotte-minute, comme ça, vaut mieux que tu trouves le moyen de temporiser, parce que, t’es bien capable d’imploser, à n’importe quel moment. Du coup, tu soupires, un grand coup. « J’peux toujours nous faire grimper … » Ouais, mais la solution ne te plait pas, tu as utilisé un peu de ton gaz, déjà, durant les combats, tu n’es pas à fond, ce serait catastrophique d’en manquer. « On reste ensemble. » Tu finis par décréter, tout en te remettant debout pour observer les alentours.

Tu devrais avoir la tête vide. Tu devrais réussir à faire le vide. C’est comme ça que tu peux prétendre faire ton boulot, et peut-être réussir à mettre ces filles en sûreté, quelque part, voir les ramener à la maison mais … Non. Tu n’y arrives pas. Tu penses à trop de choses, et quand cette question résonne, tu sers les poings. Tu te dis que ton frère doit être dans un état de nerfs déplorable, et puis, tu fais la bêtise de focaliser tes pensées sur Laszlo et là, ma grande, tu te sens littéralement couler. T’as une belle grosse envie de vomir qui monte en toi, et quand Sage vient serrer ta main, tu te prends à serrer ses doigts, peut-être un peu trop fort, avant de porter ta main libre à la chaîne qui maintien ton alliance près de ton cœur, en mission, pour ne pas l’abimer ou la perdre en combat. Ils viendront … Ouais. Mais toi t’es mitigée. Et tu préfères finalement ne pas penser à ça.

Alors tu souffles, un grand coup, et puis, d’une voix légèrement tremblante, tu t’avances, pour reprendre la parole. « Les murs sont à l’ouest. Le soleil se couche à l’ouest. » Et tu désignes le soleil, qui décline, qui rejoint l’horizon. « C’est par là. » C’est un début. Le truc, c’est que vous aviez fait pas mal de kilomètres, et que le coin dans lequel vous êtes actuellement ne te dis rien du tout. Tu supposes que le titan à du vous emporter un peu plus loin … « La grande forêt doit être dans la même direction, on doit la rejoindre, on a pas le temps de se reposer, on va devoir profiter de la soirée, et de la nuit pour avancer, en plein jour, on a littéralement aucune chance de s’en sortir vivantes. » Tu es probablement dure. Défaitiste. Mais c’est la réalité. Quatre soldats. Un cheval. Un seul équipement fonctionnel complètement. Un second avec un crochet défaillant. Il vous faut éviter les titans à tout prix. « Faut se mettre en route tout de suite. Et … baisse d’un ton, Adams, tu seras gentille. » Et sans réellement attendre, tu te mets en route, d’un pas pressé. Tu vois déjà une rangée d’arbre, un bois, et c’est là que tu te diriges, direction ouest.