Tu es sur le pied de guerre même si la journée débute à peine. Tu n'as pas pu aller à Trost et le temps que tu rejoignes le bataillon du Major les titans étaient éliminés. Pour compenser, Azur, tu mets deux fois plus d'énergie et de temps au QG, pour soulager ceux qui se sont battus et blessés. Mine de rien, mon vieux, il y a toujours des choses à faire au QG et ça prend du temps.

Si ce matin tu es arrivé avant l'aurore c'est pour refaire une vérification du matériel de ton escouade, mais surtout le nouveau, que vous avez reçu pour le fils du Capitaine. Tu as distribué hier les tâches en conservant celle-ci pour toi. Tu es extrêmement pointilleux avec l'équipement depuis toujours. Après tout les généraux ont dit à ta mère que ton père était mort en mission d'un bête grappin déraillé…

Tu passes par l'écurie en réfléchissant à la demande du 2nd Capitaine. Son enfant… Tout juste sorti de l'entrainement dans ton équipe. Tu es surpris, c'est une chose oui, mais t'es inquiet aussi. Tu ne sais pas si c'est vraiment la meilleure manière de former un nouveau soldat du Bataillon… Après tout, vous êtes à l'avant de la formation une fois les murs dépassés…

« Toi aussi, Topaze, tu es curieux hein ? »

Le cheval, le tien, soupire en secouant la tête et tu te prends à sourire. Tu peux bien retourner ça encore et encore dans ta tête, Azur, tu n'auras pas plus de réponses avant d'avoir rencontré le nouvel homme sous tes ordres. De lui tu ne sais que son lien de famille avec le Capitaine et son prénom. Jude. Rien de plus.

Tu termines de t'occuper de la pouliche pour aller te poster dans la cour. Tu ne sais pas si ton nouveau gamin arrivera avec son père ou seul, mais t'espères bien le trouver. On peut t'imposer un nouveau soldat, c'est une chose, mais tu es bien décidé de tester ses compétences. Tu n'emmèneras pas quelqu'un qui n'est pas préparé dehors, avec les éclaireurs même si c'est une demande d'un de tes supérieurs.

Tu as passé un temps fou devant le miroir de la maison. Pourtant, ce n’est pas une question de choix, tu as une chemise blanche, un pantalon, une veste et des bottes hautes à passer, tous les soldats ont cette tenue, et tu as simplement laisser la cape imperméable au placard, parce que, le soleil est au rendez-vous, et que ton père t’a signalé assez rapidement qu’elles étaient principalement faites pour les missions. Néanmoins, tu passes, tu repasses, tu attaches tes cheveux et puis tu les détaches, mais tu ne cherches pas à plaire, Jude, non. Tu veux simplement être présentable, et adaptée. Tu crains d’en faire trop, et puis, la seconde d’après, tu te dis que tu n’en as pas fait assez, et que tu parais bien négligée. Ton père est déjà sorti, il est même parti relativement tôt si bien que tu n’as personne sous la main à qui demander son avis … S’il avait été là, c’aurait été rapide, il t’aurait expédié dehors depuis au moins vingt-cinq minutes déjà.

C’est en soupirant lourdement que tu finis par attacher tes cheveux en une simple queue de cheval, et puis, avant de changer d’avis à nouveau, tu sors de la maison et tu te mets à trottiner en direction du QG qui n’est qu’à cinq petites minutes de là où tu vis, avec ton père. Tu es stressée, Jude. Déjà parce qu’aujourd’hui, tu te dois te présenter à ton supérieur, mais aussi parce que tu sais qu’au lieu d’être prise dans l’escouade d’un bête caporal, tu as directement été propulsée chez un Lieutenant, ce qui est assez rare pour aussi jeune recrue que toi. C’est donc à un haut gradé que tu dois te présenter, aujourd’hui, et si on pourrait croire que tu as l’habitude, il n’y a bien que ton père que tu ne trouves pas intimidant. Tu t’es retrouvée face au Lieutenant Stellaa, il y a quelques mois en raccompagnant ton père … son regard t’as faites frissonner pendant au moins cinq minutes.

Tu te glisses donc la cour, tirant un peu sur ta veste avant d’y repérer un homme. Seul. Ton père t’as dit que tu reconnaîtrais ton Lieutenant grâce à ses tatouages, il t’a aussi mise en garde, pour que tu ne le confondes pas avec un Caporal connu pour son sale caractère, du coup, il a ajouté le détail de la barbe. C’est pour ça que tu es pratiquement certaine que cet homme, est l’homme que tu cherches. Comme on te l’a appris, à l’entraînement, tu viens donc te placer sous son nez, une main dans le dos, l’autre sur ta poitrine, le poing serré pour un salut militaire, et réglementaire. « Lieutenant Davenport ? » Si tu avais baissé la tête, tu relèves vivement le nez, avec un sourire aussi éclatant que poli. « Je suis Jude Bragolan, est-ce que vous m’attendiez ? »

Il fait bon, et tu t’en fiches d’attendre. Par contre, mon vieux, tu es bien incapable de le faire sans allumer une de tes fameuses cigarettes. Celles que tu traînes partout avec toi, même en mission. Et quand t’en as plus, tu râles comme un poissonnier. Tes hommes le savent, et toi tu t’arranges pour ne pas en manquer. C’est comme ça, chacun son addiction, hein.

Tu t’es perché sur un poteau pas très haut, fait pour accrocher les cheveux à la base, et tu regardes les soldats qui arrivent. Quelques nouvelles têtes, nouvellement diplômées. Tu salues avec entrain certains de tes collègues, et tu vois même de loin le Capitaine traverser un couloir en direction du bureau du Major. Ainsi donc, son fils n’est pas avec lui, voilà qui te fait un défi pour le trouver, mais tu ne t’impatientes pas. Tu auras toute la journée pour te remuer ensuite.

Tu es donc en train de finir ta deuxième cigarette, lentement, comme si tu n’étais pas un gradé mais juste un idiot de passage. Tu repères quelques jeunes hommes mais tu ne bouges pas. C’est une petite blonde, tout juste sortie de l’entraînement tu en mettrais ta main à couper qui retient ton attention. Tu ne saurais pas dire pourquoi ? Elle est jolie, ça c’est certain. Mais il y a cette autre chose… son regard, la couleur de ses yeux.

« Bonjour est-ce… »

Tu ne finis pas ta question, pour savoir si tu peux lui venir en aide puisqu’elle s’avance droit vers toi. Tu dois trouver ton nouvel équipier mais tu peux bien faire un détour pour une femme qui te le demande non ? Non. Enfin si, mais là non. Parce que sur un sourire magnifique, qui te laisse silencieux un long moment, elle vient se présenter. Et là, mon vieux, tu comprends que ton Capitaine, il s’est un peu payé ta tête.

« La fille du Capitaine, donc. Tu visage finit par se dérider et un sourire exaspéré s’y peint. L’enfant du Capitaine Bragolan est une femme ? Excusez-moi, soldat, je ne m’attendais pas à ça. Et tu secoues la tête, avant de forcer sur tes lèvres pour paraître plus agréable et lui tendre la main. Azur Davenport, Lieutenant des éclaireurs droits. »

Et c’est une blague, mon vieux, parce que cette fille a un nom masculin et toi tu te coltines le nom d’une nenette. A vous deux, vous allez cumuler les quotas de blagues grossières et lourdes pour les mois à venir, tu n’en doutes pas.

« Je vous attendais, en effet. Votre équipement est prêt, comme tout soldat du bataillon, une chambre peut vous êtes allouée si vous le souhaitez, et un cheval vous a été assigné à l’écurie. Il ne manquait plus que vous. Tu t’arrêtes un instant, pour passer sa tenue en revue sans ne rien relever. Je ne sais pas si le Capitaine vous a prévenu, mais je soumets tous mes équipiers à une petite journée d’épreuves pour savoir à qui j’ai affaire. Vous aurez le même traitement que les autres. Tu lui lances un sourire en coin, comme pour la rendre encore plus nerveuse. D’abord, votre cheval. Suivez-moi, vous vous en sortez comment pour l’équitation ? »

Et sur ce, tu descends aussi sec de ton perchoire. D’une main tu trouves ta petite boite en acier qui te sers de cendrier portable et tu écrases le mégot avant de l’entrainer avec toi vers l’écurie, jusqu’à la stalle du cheval qui lui a été attribuer.

Tu ne sais pas à quoi tu dois t’attendre, Jude. Tu sais pourquoi ? Parce que ton père est un peu trop droit dans ses bottes à ton goût, et si, effectivement, il t’a donné les clés pour repérer facilement ton supérieur, il n’a rien voulu ajouter de plus à son sujet. Et ce n’est pas faute d’avoir posé des questions, ma grande. Beaucoup de questions, même. Tu aurais voulu savoir si tu devais t’attendre à quelqu’un de plutôt sympathique, ou plutôt quelqu’un de sévère. Tu n’as rien obtenu. Absolument rien. Et quand il a commencé à s’impatienter, ton papa, il a simplement répondu que tu verrais sur le tas, que tu devais apprendre, et que tu devais prendre les choses au même niveau que toutes les autres recrues qui étaient passées par là avant toi. Enfin, il a ajouté qu’entrer dans l’Exploration, c’était avant tout ton choix, et que te laisser tout découvrir par toi-même, c’était aussi un moyen de t’intégrer, et de te faire évoluer. Bref. Toi tu as pris ça pour des excuses à la noix, et tu as juste pensé qu’il cherchait encore à te faire une leçon. Des leçons que tu n’acceptes plus depuis longtemps, de la part de ton père du moins.

Du coup, tu essaies simplement de te présenter le plus simplement du monde, tu es souriante, parce que c’est dans tes habitudes, mais tu vois, tu remarques assez rapidement à quel point il est surpris. Et quand il se permet à parler de ton père, tu grimaces légèrement. Moins d’une minute face à ton supérieur, et il venait déjà clairement d’énoncer ton lien de parenté avec le second Capitaine. « Je sais, c’est surprenant, mais j’ai l’habitude. » L’habitude que l’on s’attende à voir un mec à ta place quand on a entendu ton prénom en premier. Oui. En fait, c’est récurrent depuis des années, juste parce que ton père à refusé de faire l’effort de te trouver un prénom féminin.

Tu l’écoutes finalement, en te détendant légèrement. Tu n’aimes pas être trop souvent rattachée à ton père, tu sais que dans l’Exploration ce sera inévitable, mais tout de même, tu tiens à faire tes preuves avec tes propres moyens. « C’est noté, lieutenant. » Tu savais un peu tout ça, déjà, surtout pour la chambre, mais pour le moment, tu n’en as pas vraiment l’utilité, étant donné que tu vis à quelques pas seulement du QG. Tu es bien mieux à la maison, dans ton propre environnement. « Il … ne m’a parlé de rien du tout, Monsieur, mon père a estimé que je devrais découvrir tout par moi-même. » Et tu le dis fièrement, là, mais tu continues de penser que tu aurais préféré qu’il te guide un peu, parce que là, ma grande, tu as un peu l’impression de marcher pieds nus sur des œufs. « Mais je suis prête ! » Tu n’avais jamais rechigné à la tête, à l’entraînement non plus, et tu comptais bien continuer sur ta lancée.

Tu te mets alors à trottiner derrière lui vers les écuries. « Et bien, je m’en sortais très bien à l’entraînement. » Pas une chute, et tu avais toujours su tenir correctement sur un cheval sans avoir de soucis particuliers. Tu n’avais pas peur des chevaux, non plus. La preuve, te voilà t’approcher de la jument grise tachetée de blanc, tu prends le temps de la caresser, de lui parler, et tu n’hésites pas non plus à te glisser auprès d’elle pour l’observer plus en détails. « Elle est pour moi ? Elle est sacrément belle, et elle m’a l’air endurante. » Tu prends le temps pour t’occuper d’elle, quelques minutes encore, avant de te tourner à nouveau vers ton lieutenant. « Vous comptez me faire passer vos épreuves aujourd’hui même ? »

« Quelque peu surprenant, mais disons qu’au moins, vous tombez dans la bonne escouade. Tu lui réponds, du tac au tac. Vu mon prénom, j’entends. »

Tu ne veux pas la laisser complexer sur ton prénom, sur ce qu’elle est et ce que les gens s’attendent qu’elle soit. Toi, tu l’as vécu, et tu sais que ça ne donne rien. C’est chiant, ça finit un jour par faire cogner un compagnon, et après c’est juste une image qui reste. Si tu peux lui éviter les moqueries et les remarques, en commençant par les tiennes, tu le feras.

Elle te répond avec droiture. Un bon point pour elle. Quand elle te dit que son père n’a rien voulu lui dire, tu as un rire amusé qui t’échappe. C’est fou, hein, mais ça ne t’étonne absolument pas Azur. Son père est droit, il te semble attendu qu’il ne veut pas donner de raccourci à sa progéniture, même s’il a insisté pour la placer sous tes ordres. Pour toute réponse tu tapotes son épaule, sans réfléchir, et tu l’entraines jusqu’à son cheval, en notant ce qu’elle te dit.

« Et bien oui, c’est votre cheval. Elle a bon caractère, je l’ai récupéré exprès pour cela dans le lot des nouveaux chevaux qui sont arrivés hier. C’est normal, vu que c’est une gamine sans expérience, mais tu le dis quand même, pour voir sa réaction et pour la rassurer, surement. Elle a de bonnes jambes, je pense qu’elle fera un bon cheval de mission. Vous avez l’honneur de la nommer, comme chaque recrue. Elle est dressée à répondre au sifflement, mais un nom est toujours bon à prendre. »

Tu parles trop, mais tu es comme ça. Si certains gradés se contentent de trois mots et d’envoyer leurs nouveaux se débrouiller seul, toi tu suis chaque nouvel arrivé avec soin et patience. C’est ce qui crée le lien qu’il y a dans ton escouade et c’est important pour toi. A sa question, tu souris, et tu récupères, sur un portant derrière toi, l'harnachement du cheval.

« Ça a déjà commencé. Je vous laisse la seller, et la conduire dans la zone à l’arrière de l’écurie. J’y ai monté un petit parcours d’obstacle, nous allons voir de quoi vous êtes capable, Jude. »

Son prénom. Tu vas clairement te passer de son nom de famille pour éviter d’attirer les regards et les ragots sur sa parenté avec le 2nd Capitaine. En attendant, tu déposes le matériel sur la porte de son box et tu te penches un peu vers elle, pour la regarder faire en cherchant à la piquer, pour la jauger.

« Nous ne sommes plus à l'entraînement, vous vous en sortirez ? Ton sourire devient un peu moqueur, mais tes yeux restent perçants. Parce que pendant 4 ans, vous vous êtes amusées, mais maintenant, ce que vous allez faire c’est vous retrouver devant un titan d’une moyenne de 8m et il ne sera plus question de jouer, mais de survivre. »

Tu te doutes bien que la réponse est oui, en fait. Mais tu vois, tu as en réalité plutôt hâte de voir à quelle sauce tu vas être mangée. Tu es loin d’être mauvaise, en réalité, tu faisais parti des dix premiers, oui, tu étais même la numéro cinq ce qui fait que, si tu n’étais pas la meilleure, tu étais tout de même parmi ceux qui se débrouillaient le mieux. Seulement, tu sais parfaitement que l’entraînement est différent … il n’y a pas le moindre danger, lorsque l’on s’entraîne à découper de la mousse dans la nuque de titans en bois, c’est lorsqu’on arrive sur le terrain, le vrai, et seulement à ce moment que l’on est confronté aux risques. Tu l’as appris. Ton père te l’a répété des centaines de fois, tu estimes donc avoir parfaitement conscience des choses.

Tu es prête, Jude. Tu n’as pas arrêté de le dire, tu n’as pas arrêté de le répéter, à la maison, depuis que tu as choisi ton affectation, c’est pratiquement devenu comme un slogan devant lequel ton cher papa soupire régulièrement, parce que lui, il sait que ce n’est pas la vérité, et que tu ne seras véritablement prête que lorsque tu auras vu de tes yeux ce à quoi tu vas faire face durant des années, de mois, ou seulement des semaines selon comment tu vas te débrouiller. Tu es jeune. Tu penses probablement qu’avoir tout donner à l’entraînement est suffisant … tu es dans le faux, tu t’en rendras compte, mais pour ça, il va falloir te le montrer. Pour l’heure, te voilà simplement en train de papouiller ce cheval, si ton père était là, il te dirait surement que ce n’est pas un jouet, mais à ce sujet précis, vous avez toujours eu des avis très divergents. C’est un être vivant, et si effectivement ce n’est pas un jouet comme il le dit, ce n’est pas non plus un outil. Tu vas devoir faire équipe avec cet animal, autant commencer à instaurer un climat de confiance dés maintenant. « C’est gentil. » Que tu lui dis simplement, avec un sourire. En vérité, c’est probablement normal, et très commun, tu n’en sais rien, mais la jument te plait, toi, tu trouves donc tout naturel de remercier son choix. « Silver. Je pense que je vais l’appeler Silver. » Non, ce n’est clairement pas très recherché, c’est sa robe qui te l’as inspiré, mais étant donné que c’est venu à toi en quelques minutes à peine, tu te dis que c’est le bon, et puis, ça lui va comme un gant.

Il finit par revenir avec le harnachement qui va avec la monture, et tu comprends que tu vas devoir t’occuper toi-même de seller ton cheval. Tu l’as déjà fait, mais … plutôt rarement en réalité, étant donné qu’à l’entrainement, les chevaux sont généralement déjà sellés pour ne pas perdre de temps, ou vous apprends à le faire une fois ou deux, c’est ensuite à vous de le retenir. Néanmoins, il est tout à fait hors de question que tu te laisses démonter, et après avoir à nouveau rassurer Silver, tu passes sur le côté et tu viens tout doucement déposer le tapis de selle que tu mets correctement en place, tout en guettant les réactions de l’animal qui se laisse visiblement faire sans broncher. Tu viens ensuite chercher la selle, que tu soulèves non sans une grimace et après t’être assurée que tu l’as attrapée dans le bon sens, tu viens la poser sur le tapis en soufflant sous le poids de cette dernière. « C’est bien ma belle. » Tu reviens vers sa tête pour une caresse, et tu passes ensuite de l’autre côté pour vérifier que ta selle en place, avant de te mettre à la fixer correctement. Lorsque tu reviens à la tête de l’animal, c’est pour t’occuper de la bride, tu dois t’y reprendre à trois fois pour la mettre correctement … d’ailleurs, tu coules un ou deux regards au lieutenant, comme si tu craignais qu’il ne perde patience et c’est à ce moment que ses paroles viennent te piquer au vif. « Sauf votre respect, monsieur, je ne me suis jamais … amusée à l’entraînement. » Il ne manquait plus que ça, tiens, tu n’avais pas obtenu de tels résultats en ne faisant rien pour, et ce n’était pas non plus ton nom qui t’avait permise de te hisser à cette place. « Je ne joue pas, je travaille, je ne suis plus une enfant, Lieutenant. »

Tu te tournes à nouveau vers Silver pour attacher une longe, et tu ouvres la porte du box en la tirant avec toi pour la faire sortir. C’est sans un mot de plus que tu passes devant ton supérieur pour guider l’animal jusqu’à l’endroit qu’il t’as indiqué plus tôt, puis, tu te mets en selle sans le moindre problème.

Tu la regardes faire avec l’animal. Elle a de bons réflexes et toi, Azur, tu fais partie de ceux qui pensent qu’un cheval doit avoir un lien avec son cavalier pour être meilleur. Tu sais que certains n’y voient qu’un moyen de transport, un objet, tu l’acceptes, mais tu préfères que tes hommes comprennent ton point de vue. Ça au moins, la fille du Capitaine à l’air de l’avoir compris, tant mieux.

« Va pour Silver, alors ! Tu attrapes une craie et tu inscris le nom du cheval sur l’ardoise qui pend à la porte de son box, permettant aux soigneurs d’identifier chaque cheval. Ça lui va bien. »

Pas besoin que ce soit recherché pour aller, tu es sincère. Mais tu ne vas pas rester conciliant bien longtemps. Tu lui refiles le matériel pour harnacher le cheval et tu te penches même sur la porte pour la regarder faire. Si tu ne vois rien à redire sur la manière donc elle pose la selle, tu as une expression piquante quand elle semble galérer avec la partie sur la tête.

« Et bien, il faudra apprendre à faire ça plus rapidement. Quand on part en mission, parfois c’est en urgence. Tu glisses tes doigts sur la tête du cheval pour le féliciter quand même et tu rajoutes, l’air de rien. Vérifiez la selle encore une fois, certains chevaux gonflent leur poitrail au moment où on la ferme, et il faut réajuster avant de monter. »

Et elle te répond au même moment qu’elle n’est pas une enfant, qu’elle est sérieuse. Et son ton t’apprend que tu as piqué juste. Elle ne cède ni à l'impertinence ni à l’énervement, mais elle réagit. Tu souris de plus belle et te voilà à reculer d’un pas pour la laisser passer. Tu es silencieux (enfin), et tu lui emboîter le pas jusqu’à la zone d'entraînement. Tu l’as réservé, en partie, pour quelques heures et t’y a déjà installé de quoi la tester. Des plots rapprochés pour du zig zag, deux obstacles bas, d’affilés, un grand obstacle que tu t’es amusé à décorer de branches qui bougent au vent et un sprint final.

« Voilà le parcours. Chez moi, le meilleur temps est à 22 secondes, la moyenne autour de 35. À chaque fois que vous faites tomber un objet, vous avez une pénalité de 2 secondes. Il faut aller vite, mais pas se précipiter. Vous vous sentez capable de le faire ? »

Tu viens t’installer sur une palissade, pour la regarder se mettre en selle, avec une bonne posture. Tes bras se posent sur tes jambes en laissant bien en vue la montre qui te sert à chronométrer les parcours. Toujours la même pour mettre tout le monde au même niveau.

« Si vous êtes prête… et bien… 3, 2, 1, GO ! »

Et tu sais que lui annoncer les temps, c’est une manière peu sympathique de la mettre en stress. Tu sais aussi que tes hommes ont atteint ce niveau à force de s’entrainer, tu n’attends pas d’elle la même chose… Disons juste que tu ne le lui diras que plus tard.

Tu ne manques pas de te prendre une petite remarque, lorsque tu dois t’y reprendre plusieurs fois pour mettre la bride sur la tête de Silver. Toi, tu mets lâchement ça sur le compte de l’animal qui refuse de se laisser faire, tout en restant compréhensive sur le fait qu’elle ne te connaît pas encore bien, et qu’elle est probablement encore un peu méfiante. Et puis, il l’a dit juste avant, elle vient d’un lot de nouveaux chevaux, donc, de jeunes animaux qui, certes ont été dressés spécialement pour l’Exploration, mais qui n’ont encore jamais connu le stress d’une mission. Tu sais que les vieux chevaux sont bien plus calmes, habitués aux changements de cavaliers, aussi. Cependant, tu ravales ton amertume, parce que, tu as déjà été bien assez piquante quant à cette histoire d’amusement, en fait, tu es même déjà un peu honteuse d’avoir pris l’audace de répondre à ton supérieur, ton père t’as déjà dit que tu devrais apprendre à tenir ta langue, et en moins de deux minutes, tu avais déjà échoué avec ça.

Finalement, tu préfères passer à la pratique le plus rapidement possible. Il faut dire que si tu aimes papoter, quand il s’agit de prouver ce que tu vaux, et ce que tu sais faire, tu préfères le montrer plutôt que de l’expliquer, c’est un fait. C’est donc après avoir bien vérifier la selle de Silver – qui était bien fixée d’ailleurs – que tu montes sur le dos de cette dernière. Tu t’y sens à l’aise, tu la fais trottiner sans le moindre problème et tu sens que sous toi, elle est plutôt réceptive à tes instructions. En fait, ça se profil plutôt bien, et c’est confiante que tu poses les yeux sur le parcours, en écoutant avec attention le lieutenant. Tu as l’esprit de compétition, Jude, alors évidemment quand il te donne les temps, tu vises le record, et même le fait de faire bien mieux que le record. C’est sans doute un peu présomptueux, mais c’est comme ça que tu fonctionnes, en te fixant des objectifs très haut, pour toujours aller plus loin. « Allons-y ! » Que tu claques, non sans le gratifier d’un sourire avant de te mettre sur la pseudo ligne de départ et d’attendre son feu vert.

Tu visualises parfaitement ce que tu dois faire, et tu guides rapidement Silver jusqu’aux plots. Malheureusement, il semble que tu ais déjà mal dosé la puissance de ce cheval, elle y va bien trop vite, bien trop fort, et finalement, elle fait tomber les trois quarts des plots. Tu grimaces. Mais tu ne te laisses pas abattre, tu continues, tu la lances sur les petits sauts, et encore une fois, c’est une catastrophe, elle s’arrête, refuse, puis saute, bouscule le suivant et tu passes là-dessus au moins une minute entière – autrement dit, bye bye le record – avant qu’elle ne finisse par littéralement s’emballer et là, tu paniques Jude. Parce qu’elle est partie au triple galop, bien trop vite pour aborder l’obstacle le plus haut, si bien que lorsqu’elle y arrive, elle pile et toi, tu tires sur la bride de façon bien trop vive la faisant violemment se cambrer. Tu luttes pour rester en selle, malheureusement, elle se débarrasse de toi en moins de trente secondes et tu tombes en arrières, dans le sable, sur le sol, tandis qu’elle s’éloigne au galop et en hennissant.

Elle sait y faire, tu n’en doutes pas un instant, Azur. Ce que toi, tu veux voir, c’est la manière dont son esprit fonctionne. Tu as toujours fait confiance aux instructeurs pour que les recrues soient suffisamment armées pour sortir (et tu n’as jamais eu tort pour l’instant) mais ce qui joue aussi, dehors, devant les titans, c’est l’esprit. Elle ne semble pas perdue ou paniquée à l’idée des temps que tu lui donnes, et même quand elle démarre, tu ne constates pas de drôle de mouvements. Pourtant… c’est désastreux, soyons honnêtes. Elle fait tomber plot et barre, et toi, tu ne quittes pas le duo des yeux. Tu n’es pas moqueur, pas dérangé. En faite, tu es absolument calme, même si tu as commencé à appuyer sur une de tes mains pour te préparer à intervenir en cas de problème.

« Attention ! »

Pas le temps de finir, le cheval s’emballe et toi, Azur, tu te jettes au sol aussi sec, en attrapant une longe dans les mains, pour faire peur au cheval s’il vient vers toi. T’es pas un as des équidés, tu ne vas pas te laisser piétiné par un cheval fou. Et alors que tu accours, il se cabre et c’est fini, la blonde est projetée au sol et son canasson se sauve en faisant savoir son énervement.

En deux secondes, tu es sur elle, et si tu poses aussitôt une main sur son épaule pour la plaquer au sol, ce n’est pas parce que c’est la fille du Capitaine et que tu dois en prendre soin, mais parce que tu sais que les chutes à cheval sont dangereuses.

« T’as fait un sacré saut, ça va ? Tu lui demandes, sérieusement, les sourcils froncés. Tu sens tes jambes ? T’as mal anormalement quelque part ? »

Tu lui laisses le temps de te répondre, tu scrutes pour mêmes son corps et finalement tu cesses de peser sur elle. En douceur, tu l’aides à s’asseoir et d’une main tu la relèves. Tes yeux se fixent sur elle, pour voir comment elle va, psychologiquement parlant, et finalement tu reprends, plus calmement et sérieux que tu ne l’as été avec elle depuis le début.

« On va pouvoir renommer Silver en Monster, je crois. Suis-moi. »

Sans la lâcher, un bras derrière son dos pour parer à tout évanouissement impromptu, tu l’aides à rejoindre la clôture, tu lui colles une bouteille d’eau fraîche dans les mains et tu consacres les quelques minutes suivantes à attraper la jument, qui est complètement paniquée. Tu ne sais pas ce qui lui a fait si peur, alors te voilà à la faire marcher le long du parcours jusqu’à la voir mettre les oreilles en arrière et les dents en arrière au feuillage qui ondule dans l’air.

« Elle a eu peur. Tu reviens vers elle. Les branches du dernier obstacle sont problématiques, voilà qui est peu courant. Je vais prévenir pour qu’on appelle un dresseur qui la désensibilise. En attendant, elle reste au repos. Tu attaches la jument à la palissade et tu la regardes, droit dans les yeux. Topaze, mon cheval, est sellé et prêt à travailler… Je te l’amène ? »

Tu ne la forceras pas, mais il est de connaissance commune que se remettre en selle après une chute est la meilleure chose à faire.

Tu n’as pourtant jamais réellement rencontré de problèmes à dos de cheval. On ne pas non plus dire que tu as fais un parcours sans faute, non, mais tu as bien progressé depuis le jour où tu es monté pour la première fois, et ces deux dernières années, tu n’as pas le moindre incident à ton compteur. Tu as été capable de tenir de sacrés galops à l’entraînement, et même de faire de belles récupérations de cheval en mise en situation réelle, alors, oui, tu pars confiante. Tu te dis qu’un parcours de ce type pourrait être une véritable promenade de santé, le truc c’est que … tu présumes peut-être un peu de trop de ta monture qui, elle, ne semble pas être disposée à coopérer avec toi jusqu’au bout aujourd’hui.

Dés le départ, le parcours s’avère être une véritable catastrophe, et oui, tu parviens à passer les deux premières épreuves sans bobo, mais lorsque Silver s’emballe, lorsqu’elle panique sans que tu n’en comprennes la raison pour finalement tenter de t’éjecter, tu paniques, et tu te retrouves bien vite les fesses par terre. Et on ne dirait pas comme ça, hein, mais un cheval, c’est haut quand même, alors quand tu percutes le sol, tu le sens passer, et tu grimaces. Tu tentes bien de te redresser, mais une main te pousse immédiatement en arrière, tu te rends compte que ton lieutenant est déjà là, que ses yeux te parcourent, probablement à la recherche d’une blessure, ou quelque chose comme ça, et c’est en voyant que rien de tel n’est visiblement qu’il se redresse, et que tu peux enfin en faire de même. « Ça va … J’ai juste mal aux fesses. » Forcément. D’autant que tu n’es pas bien épaisse, il faut l’avouer. Tu acceptes donc son aide pour te remettre sur tes jambes, et puis, tu t’avances, tandis qu’il continue de te suivre, un bras dans ton dos, pour te soutenir. Tu grimaces toujours, mais tu essaies de limiter, tu fais en sorte que ça ne soit pas, ou presque pas, et tu te contentes de venir t’appuyer contre la clôture pour boire une bonne gorgée d’eau bien fraîche.

Tu n’oses pas vraiment tenter de l’aider à reprendre le contrôle sur Silver. Durant un instant, tu te demandes si tu as fait quelque chose de mal avec ce cheval, et ça te désespères un peu, parce que, ton père te l’as dit, et le Lieutenant aussi. C’est un test que tu passes aujourd’hui … et toi, tu crains plus que tout qu’on ne se mette à penser que tu n’es pas assez capable pour intégrer l’Exploration. Tu n’aimerais pas qu’Azur fasse remonter ton incompétence à ton père, et que ce dernier ne se décide à te mettre des bâtons dans les roues. Néanmoins, tu te vois mal lui demander de garder tes échecs sous silence, aussi, du coup, tu te tais, et tu te dis que tu feras mieux. Que tu vas rectifier le tir.

Tu es presque soulagée, tout de même, lorsqu’il t’annonce que c’est Silver qui a un souci. Tu soupires, avant de reposer la bouteille d’eau et de t’étirer un peu, avant de te frotter le fessier. « Avec le vôtre ? Ça me va, je veux réessayer. » Tu n’as pas la moindre envie de rester sur un échec aussi … ridicule. Tu as travaillé pour en arriver là, Jude, de ce fait, tu veux continuer de le faire pour aller plus loin. Tu dois faire tes preuves. « Je vais faire mieux, monsieur. »