C’est qu’il t’intrigue maintenant, Analynn, ce drôle de bonhomme, là. Vraiment, hein, tu as beau essayer de toutes tes petites forces, pas moyen de savoir ce qu’il veut exactement, ou s’il a une idée précise derrière la tête. C’est déroutant. C’est dérangeant. Et du coup, c’est foutrement intéressant, aussi. Non, mais, on ne te le dira jamais assez, mais il te manque quelques cases, c’est certain, tu t’intéresses toujours aux gens … bizarres, bizarres mais intéressants, du coup. C’est que ça se fait rare ce genre de créature, vois-tu, alors forcément, quand tu rencontres un spécimen de ce style, tu ne peux pas ne pas lui tourner autour tel un vautour affamé. Bon, là, tu avoues que tu as un peu plus de mal … il faut dire que ce bon monsieur vient quand même de te rappeler qu’il était capable de te coller au trou, du coup, tu hésites clairement à montrer ton enthousiasme et surtout, tu trouves son attitude assez déroutante. « Je vois. Ça se tiens comme explication. » Et probablement que ça se tient un peu trop bien. Que sa réponse est un peu trop bien élaborée, construite, réfléchie. Mais … non, il ne te vient même pas à l’esprit de refuser par méfiance, ou par simple présence d’esprit. « Vous l’auriez dit plutôt aussi … » Ah non, parce que toi, vraiment, tu ne refuses jamais d’accompagner quelqu’un pour manger, ou encore pour aller au sommet. Surtout pas au sommet. Tu les aime bien toi, les gens du sommet.

Et tu sais quoi ? Il te brosse dans le sens du poil. Pas comme ce Nine que tu passais ton temps à provoquer et qui ne faisais que détourner les yeux. Dommage, hein, parce qu’il était bien mignon celui-là, mais alors, qu’est-ce que tu pouvais le trouver ennuyeux. Et bizarre, aussi. Complètement bizarre. Comme cette fois où tu l’avais surpris en train d’acheter une robe et que tu t’étais demandé s’il ne te travestissait pas quand il rentrait chez lui. D’ailleurs, ces derniers temps, il rentrait toujours relativement tôt ce qui n’avait fait que renforcer tes soupçons … il se passait un truc pas clair. Malheureusement, tu n’avais pas le temps de fouiner dans les affaires de tout le monde, seulement de quelques-uns. « Je ne compte pas me retirer. » Que tu finis par lancer, tout en souriant. Disons que t’avais bien envie de goûter au poisson, et surtout, tu avais décidé que tu comptais te mêler de ses affaires, maintenant … autant dire qu’il allait avoir un peu de mal à se débarrasser de toi, du moins, c’est ce que toi, tu pensais. Du coup, tu le suis, et au final, tu as même le culot de venir t’accrocher à son bras, simplement parce qu’il va un peu trop vite à ton goût, et que tu as une sainte horreur d’avoir l’habitude de traîner derrière comme un petit cocker. C’est indigne de toi.

« Puisque c’est un homme et non un Major qui m’invite à dîner … puis-je espérer que nos conversations tournent autour d’autres choses que des bêtises de vos soldats ? » S’il veut des noms, il a tes rapports. Tu as eu tout le loisir de te plaindre, maintenant que tu sais que certains « i » vont retrouver leurs points, tu as envie de passer à autre choses parce que oui, Analynn, tu es ce genre de fille qui se lasse vite. Très vite. Du coup, c’était sympa de casser du sucre sur quelques soldats de l’exploration maintenant, tu as envie d’autre chose. Quoi ? Il n’a qu’à te surprendre. Tu aimes les surprises. « Et puis sachez qu’il en faut plus que votre petit numéro de grand méchant loup pour me faire peur. J’aime bien les loups. »

Quelle insolence… Quelle impertinence ! Plus cette petite femme se décide à te parler, à te répondre et surtout à te traiter comme un humain, plus tu te rends compte, Léandre, qu’elle est plus piquante que toutes les femmes de ta connaissance. Ta soeur est un peu comme ça, mais… c’est ta soeur, et son éducation donne des arrondis à tout ce qu’elle peut dire ou faire. Cette Analynn, elle, est comme un joyau naturel, absolument pas façonné par la main des hommes. Et si pour beaucoup, elle peut sembler étrange ou pas assez brillante, toi, Léandre, tu en vois toute la beauté. Ça te plait. Tu as toujours aimé les bijoux uniques.

« Vous excuserez ma volonté à ne pas me montrer faible devant les autres. Tu la tacles, quand elle te parle de lui avoir dit plus tôt. Mais vous me faites grand plaisir de venir. »

Elle est là, elle vient de le dire : elle restera. Et mieux, Léandre, elle tend les mains et elle vient prendre ce bras que tu lui proposais plus tôt. Ça pourrait être mal pris, puisque tu ne le lui offres plus, mais toi ça te tire un sourire satisfait. En te calant sur son rythme, tu la guides dans les rues silencieuses. Tu sais par où passer pour te préserver des odeurs du peuple, vois-tu.

Tu as le temps de faire la moitié du chemin avant qu’elle ne fasse entendre à nouveau le son de sa voix. Et clairement, tu es ravi d’entendre ce qu’elle a à dire quand c’est pour laisser de côté le lien de hiérarchie qu’il y a entre vous, que vous le vouliez ou non.

« Si c’est vous qui me le demandez, je m’en ferai un plaisir. J’en ai déjà suffisamment en journée, si en plus vous me faites la douceur de me changer les idées, je finir par ne plus vous laisser repartir. Et tu lui souris, pour faire comprendre que tu ne dis pas ça sérieusement (quoique), et finalement tu t’arrêtes devant le restaurant et si tu lui reprends ton bras c’est pour poser une main légère dans son dos. Mais si nous sommes deux humains loin des préoccupations militaires, je compte bien m’octroyer le droit de vous tutoyer. Cela ne vous fera pas fuir ? »

Tu as envie de plus, c’est certain, mais tu sens, au fond de toi, que la brune est aussi sauvage qu’elle est libre. Tu as cette sensation qu’elle va prendre son envol au moindre mouvement de tes ailes un peu trop brusque, c’est pour ça que tu adoucis un peu tes angles.

D’un mouvement tu l’entraines dans la petite maison de maître et c’est un servant qui vous entraînez à ta place de prédilection. Troisième et dernier étage de la bâtisse, terrasse sous le ciel étoilé, vue sur la ville. Un plaisir qui n’appartient qu’à toi. Enfin… à elle aussi désormais. Et tu te rends compte, en lui tirant sa chaise, que tu n’y a jamais amené personne, pas même ton ex-femme.

« [color=gold]Vous aimez les loups ? Tu viens t’asseoir à ta place en face d’elle. [b]Ne me mettez pas trop au défi, Analynn, je crains que vous ne puissiez imaginer ce qu’un homme-loup peut faire. Et pourtant, tu lui souris, avec une certaine forme de protection et de douceur. Après tout, je pourrais vous dévorer en sortant de cet endroit. »

Et tu ris à cette idée. Tu pourrais oui, mais si tu es un loup, tu es surtout un loup bien élevé. Tu ne la dévoreras pas sans qu’elle ne te laisse venir à elle. En attendant, le servant revient, et vous dépose sur la table des petites tartines et surtout une bouteille de vin que tu aimes particulièrement. Il vous sert et toi tu attends en silence. Quand il annonce que la pêche du jour sont des truites, tu es satisfait. Voilà qui devrait plaire à la jeune femme. Il repart et tu tends ton verre vers elle.

« Aimez-vous le vin ? Celui-ci est particulièrement fruité. Tu trinques avec un sourire. Mais, dites-moi, Analynn, pourquoi aimez-vous les loups ? Oui, ça continue de t’intriguer. Vous ne craignez pas de vous faire mordre ? »

Disons que tu t’es probablement un peu mise, toi aussi, à t’amuser de la situation. Tu n’as pas l’habitude de telles choses, Analynn, ce Léandre est … particulier. En fait, il te rappelle que, malgré le fait que tu saches que tu apprécies ça, aucun homme n’a jamais agi comme il agit avec toi. Il faut dire aussi que tu t’es casée très jeune, peut-être pour tes parents, par volonté de faire évoluer ta vie. Tu ne sais pas trop. Tu te pensais sincèrement amoureuse de Nox, et durant vos premières années, tout te paraissait être normal, et fonctionner aux petits oignons. C’était ta conception d’une relation amoureuse, tout simplement parce que tu n’y connaissais rien. Et puis … tu as grandi, vieilli aussi évidemment, et avec le temps, tu t’es rendue compte que tu aspirais à bien d’autres choses en réalité. Des choses peut être futiles aux yeux du plus grand nombre, mais des choses qui à toi t’ont toujours fait envie. C’est comme ça, Ana, tu as besoin de te sentir désirée, de ressentir le piquant dans ta vie, tu as besoin de sentir ton cœur s’emballer et ton corps vibrer. Ce sont des choses que tu ignores, que tu n’as jamais ressenties, des choses sur lesquelles tu as probablement fait une croix, en un sens, parce qu’après tout, tu as déjà un homme dans ta vie, et qu’il est incapable de te faire trembler.

« Me dévorer, rien que ça. » Et si tu souris toujours, si tu restes accrocher à son bras, le ton sur lequel il vient de te lancer ces quelques mots à suffit à provoquer un frisson chez toi. Tu l’as senti remonter dans ton dos, le long de ta colonne vertébrale. Un mélange de curiosité étrange, qui provoque l’attirance, à une gêne que tu ne peux repousser, parce que, l’image de Nox ne cesse de s’imposer dans ton esprit sans que tu ne comprennes clairement pourquoi. Tu soupires d’ailleurs, faiblement, en calant ton dos contre le dossier de ta chaise. Tu observes ce qui se trouve sous tes yeux, tout un tas de choses qui ne se sont … jamais présentées sous tes yeux, simplement parce que tu n’as pas les moyens de t’offrir tout ça, et ton presque mari non plus, d’ailleurs. Tu décides donc d’en profiter, et tout en retrouvant ton sourire, tu attrapes ton verre pour venir le cogner légèrement contre le sien. « Disons que ce sera encore l’une de ces nombreuses découvertes que tu m’offres aujourd’hui ? » Tu te rends compte, juste après avoir prononcer ces mots comme il est étrange de t’adresser à lui si familièrement. Pourtant, tu n’as pas eu le moindre tact lorsque tu lui as presque sauter à la gorge pour te faire entendre tout à l’heure, néanmoins, ce tutoiement est presque … déstabilisant. « C’est une bonne question. » Dis-tu simplement, en prenant une gorgée de ton verre, que tu gardes en bouche quelques secondes pour profiter du goût avant de reposer ton verre sur la table. « Ils sont dangereux et à la fois … on sait qu’il y a moyen de les apprivoiser. C’est compliqué, mais c’est possible, c’est un défi intéressant et une créature … attractive. » Tu lui lances ce sourire énigmatique, tes paroles le sont aussi, probablement, d’ailleurs.

Il ne te faudra pas bien longtemps, finalement, pour te détendre un peu. Pour mettre de côté ta vie, pour profiter de simplement de la soirée, jusqu’à lui permettre de te raccompagner chez toi … jusqu’à y rentrer presque … à regret.