J’espère l’atteindre en lui parlant. Comme j’avais sembler le faire en jouant. Sa main ne lâchait pas mon bras. Je ne bougeais donc pas, attendant qu’il soit suffisamment en confiance. Je ne voulais pas le voir dégringoler de mon canapé encore une fois. « Z’êtes la violoniste.. » Il commence alors à me reconnaitre. Avant de souffler et d’inspirer. Au vu de son visage, il tente de ne pas vomir. « C’était beau… » Sa tête bascule en arrière alors qu’il regarde le plafond. Il parle de mon morceau et malgré son état, je suis touchée de savoir que mes notes ont traverser les brumes de l’alcool. « Ça m’a rappelé… des bons souvenirs. Je croyais… Que je croyais perdus. » Je continue de le fixer, émue. « Je vis dans mes cauchemars… » Lui aussi visiblement. Il couvre même ses yeux de sa main libre. « J-Je… » Moi qui rêvait de toucher le coeur de quelqu’un avec ma musique, je ne m’attendais pas à ça quand même. « Comme une lumière… » Il a dû vivre des choses compliqués. Je sens ma gorge se nouer.

Il me faut quelques instants avant de reprendre la parole et de lui proposer de se mettre sur le canapé. « N-Nan… Pas maintenant… » Il n’est peut-être pas encore en état de se redresser. « Veux pas… amocher le tissu. » Ah… Je jettais un oeil à mon canapé. Il était tellement vieux, ce n’était pas ça qui allait l’abimer davantage. Au mieux, ce serait une excuse pour que Tobias m’aide à le changer. « J’vaux pas la peine qu’vous perdiez vot’ temps pour moi… » Il est déjà là, ce n’est pas comme si je pouvais perdre plus de temps. Et puis, il semble se détendre, alors que sa main lâche enfin mon bras. « Vas-y. » Il me laisse faire et me tutoie. C’est une marque de confiance, non ?! « T’as gagné. » Ou juste une capitulation. Je prenais quand même. Je recupère alors ma bassine d’eau et mon chiffon. Je l’humidifie avant de le passer sur son visage.  « Si vous… tu veux, je pourrais te jouer un autre morceau. » Mes voisins n’allaient peut-être pas aimer que je joue en pleine nuit, mais peu importait. Après tout, je n’en avais pas beaucoup. C’était le bon côté de vivre au dessus d’une boucherie.

Je continue à essuyer le sang sêché de son visage. Visiblement, plus rien ne saigne. « Je pense qu’il faudra surveiller ton nez. Si tu peux voir un médecin ce ne serait pas superflu. » Je me saisis alors doucement de ses mains après avoir essorer mon chiffon. Elles semblent dans un sale état. « Tu y es pas aller de mains mortes. » Que je murmure. Même une fois nettoyer, elles restent bien moche. Et je ne compte même pas les bleus qu’il a dû se faire. « Pourquoi tu as déclencher cette bagarre ? Tu t’es fait beaucoup de mal. » Au vu de ce qu'il me disait, j'avais l'impression qu'il était surtout dans une spirale autodestructice.

T’es au bout. Au bout du rouleau Seven. Est-ce que ça change de d’habitude? Non, certainement pas. Franchement, les jours où tu t’es retrouvé sobre, sans aucune goûte - et tu dis bien sans aucune goûte - d’alcool cette dernière année… Ça se compte sur les doigts d’une main. Même en mission t’as toujours plus ou moins de l’alcool dans le sang. On pourrait croire qu’à force, qu’à carburer comme ça à la bière, au vin ou à tout autre boisson forte tu finisses par t’habituer. Que tu finisses par supporter. Peine perdue. Tu es tellement toujours fatigué, tu dors tellement mal que tu n’as jamais laissé une seule seconde de répit à ton pauvre corps. Et ce pauvre corps que tu malmènes depuis maintenant un an… Il semble se rebiffer de plus en plus. Parce que tu vois… tu commences à être malade à boire autant. T’avais déjà peu faim avant, mais tu perds de plus en plus de poids. T’as toujours mal au ventre. D’ailleurs t’as des points rouges qui apparaissent dessus. Ouais. Faudrait peut-être consulter à un moment mais… pourquoi faire d’abord? Les médecins sont même pas capables de te donner quoi que ce soit pour éviter les cauchemars alors faut bien que tu te démerdes seul.

C’est la fraîcheur d’un linge qu’on passe sur ton visage qui te fait à nouveau ouvrir les yeux. Et tu tournes un visage las vers elle alors qu’elle te propose gentiment de jouer. Et… tu sais pas trop pourquoi mais ça te fait au coeur ce qu’elle te propose. « Tu jouerais… pour moi? » Tu fronces les sourcils, essayant de comprendre ses intentions, le pourquoi du comment elle perd son temps avec toi mais… tu dois bien l’avouer Seven. C’est la panne sèche. T’es trop éméché pour réfléchir à quoi que ce soit, d’ailleurs ton pauvre crâne te renvoie un élancement douloureux lorsque tu essayes de cogiter. « Pourquoi tu perds ton temps avec un déchet comme moi... » Ah. Ça y est il y a un peu de mieux, tu recommences à parler à peu près correctement. Faut croire que l’eau c’est pas un ennemi hin Seven. « Je… veux pas te déranger. » puis tu finis par souffler d’une voix à peine audible. « Mais ça me ferait plaisir... » Ouais. Qui fait attention à ce que tu veux maintenant soldat, plus personne. T’es seul. Même ta véritable famille est loin. Et de toute manière elle t’a reniée. « Ça me… fait chaud… là…. quand tu joues. » que tu murmures en tournant ton regard vers elle et en tapotant ton coeur d’une main gauche.

Et, encore une fois, c’est étrange que tu parles Seven. L’alcool doit jouer, mais cette femme, avec cette douceur, ce timbre de voix si agréable, et cette musique… ça te touche sans doute bien plus que tu ne veux l’admettre. Tu finis par balayer sa phrase d’un revers de main. « Non. Les médecins c’est des incapables. » Tu finis par ramper maladroitement jusqu’au fauteuil et te redresse dans un effort monumental. Juste… assis sur le sol. Avec le fauteuil en dossier. Il te faut ça, juste ça pour éviter de gerber. Tu penches la tête en arrière lorsqu’elle se saisit de tes mains pour les nettoyer, poussant un grognement sourd sous la douleur. « Ils m’ont cherché... » En vérité tu sais même plus pourquoi tu t’es battu. « Il faut un permis maint’nant pour ça? » que tu grondes à nouveau, un rictus sur les lèvres alors qu’elle nettoie toujours tes blessures. « J’sais pas. J’ai b’soin de cogner pour... » tu fais un léger mouvement de bras. « J’sais pas. Sortir ma colère. Y’a que ça qui me guide. Rien d’autre. » Tu pousses un profond soupir.

« Tu comprends pas. » Tu viens saisir son visage entre tes doigts et plonges ton regard dans le sien. T’es pas brute, mais t’es clairement pas doux non plus hin, bien que t’essayes de l’être. Bon. T’as pas les yeux en face des trous hin, clairement, tu dois pas bien lire mais… « T’es jeune. T’es une jolie fleur qu’attend qu’à être cueillie et aimée... » T’observes ses yeux un long moment. T’es proche Seven, si proche d’elle. « Moi j’ai plus rien à attendre. Et plus rien à donner. » Tu finis par relâcher son visage avant de t’effondrer. « J’ai mal en d’dans. La douleur physique… c’bien plus supportable que tout l’reste. »