Tu es mal barré, Elthan. Tu la tiens contre toi, sous des trombes d’eau qui ne demandent qu’à faire tomber vos derniers vêtements et… tu ne le sais pas toi-même. Tu n’es pas du genre à sauter sur une femme comme ça, tu es plutôt un romantique maladroit, tu fais la cour, tu charmes, tu te rapproches. Même si tu te fais vieux, tu aimes prendre le temps, tu aimes passer certaines étapes. Et pourtant, quand tu la tiens contre toi, quand tu oses lui dire que tu la trouves belle, tu sais que tu en brûles des étapes.

« Parfait. Tu souffles contre elle avec ton sourire charmant. Je viendrai t’enlever chez toi, histoire de faire les choses bien. »

Tu sais, le garçon qui vient chercher sa compagne d’un jour chez elle, avec un bouquet de fleurs et un petit cadeau. C’est absolument toi. C’est bien pour ça que la plupart des donzelles en ont vite marre de toi, tu es vieux jeu. En plus d’être vieux tout court qu’on s’entende. Enfin bon, tu le feras puisque tu l’as dit et tu vérifies au passage comment elle le prend. En attendant, l’eau continue de couler et la voilà qui vient vers toi. Et vraiment, son touché, dans cette situation, encore groggy par l’antidouleur, ça provoque un picotement agréable en toi.

« Je devrais… »

Elle l’a dit elle même, tu devrais, pas tu dois. Et tu vois, tu n’arrives pas à relâcher tes mains d’elle. À la quitter des yeux. Tu la regardes, et clairement tu es en train de la dévorer des yeux. Finalement tu soupires, lourdement, tu hoches la tête pour accepter son offre et si tu la relâches, tu la laisses sortir de la trombe d’eau et faire demi-tour, tu es si frustré que tu bouges tout à coup.

« Attends ! En un pas, main tendue, tu l’arrêtes d’une prise sur ses doigts et tu la tournes vers toi. Tu ne réfléchis pas, te voilà à lui voler un baiser rapide, léger. Pas ma faute, c’est les antidouleurs. Tu lui offres comme explication aussi sec, au cas où ça l’a dérangé puis tu la relâches. Je me dépêche. »

Et sans attendre, sans subir son acceptation ni son courroux tu retournes sous l’eau. Dès que tu es seul, tu finis de faire sauter tes vêtements et tu t’immerges dans un flot de savon pour arracher cette odeur de mort, écoeurante, qui te colle à la peau et qui finira par te rendre malade. Tu y vas comme une brute, à t’en arracher la peau, mais quand tu ressors de la douche tu ne sens plus rien de négatif. Tu es propre, quoique rougi par endroit et des bleus comment à s’étaler un peu partout sur toi. Sans attendre, tu fouilles, jusqu’à trouver un pantalon de lin blanc et une chemise aussi claire à ta taille. Ensuite, enfin, tu sors de là en soupirant et en repoussant tes cheveux de tes yeux. Sans réfléchir tu traverser le couloir vide vers la salle de soin et quand une infirmière vient vers toi, tu arrives enfin à lui sourire.

« Je vais bien, ne vous inquiétez pas. Désolé pour mon arrivée brutale, j’étais un peu en état de choc. La jeune femme qui était avec moi est encore ici ? »

Nan parce que, plus d’une fois, tu as découvert que la femme autour de laquelle tu rôdais t’avait fait faux-bond d’un coup, souvent parce que ton caractère un peu trop rustre l’avait effrayée ou dégoutée.

Les choses bien. Ça te fait sourire, tiens, ça, Tigern. C’est marrant, hein, mais en l’entendant te dire qu’il viendra te chercher jusque chez toi, tu penses à ta mère, terriblement vieux jeu – c’est de son époque quoi – en ce qui concerne le romantisme, et tu te dis qu’elle apprécierait ce genre d’attention envers l’une de ses filles. « J’ai hâte de voir ça. » Ouais. En un sens, tu trouves ça mignon, probablement aussi parce que personne n’a encore fait quelque chose dans ce genre avec toi. Tes relations sont étranges, avec les hommes. Rapides, aussi, surtout. Rien de sérieux. Rien de durable. Ça va, ça vient, tu as fini par te convaincre que tu ne serais jamais du genre à te poser définitivement avec un homme. Que ça n’était pas pour toi, de toute évidence. Du coup, c’est une nouveauté, et ça t’amuses, sans être certaine que ça te plaise réellement à la longue, pour l’instant.

Tu restes encore un instant face à lui, sous l’eau. Tu l’effleures du bout de tes doigts, avant de finalement te décider à le laisser prendre cette douche, parce qu’il en a besoin. D’ailleurs, il te relâche lui aussi, et tu recules, tu t’éloignes … jusqu’à ce qu’il te rattrape, te tires, jusqu’à ce qu’il vienne te prendre ce baiser rapide, en te gratifiant d’une excuse avant de retourner sous l’eau sans réellement te laisser le temps de réagir de quelque manière que ce soit. Tu as du caractère. Tu aurais pu le gifler pour avoir oser venir t’embrasser sans une autorisation de ta part mais … tu as souris, Tigern. Un sourire léger, avant que tu ne te détournes pour de bon pour quitter la salle d’eau. Ce n’est qu’une fois dehors que tu soupires, doucement, tes doigts effleurent doucement tes lèvres, et si tu as l’air songeuse pendant un moment, le regard de quelques infirmières et médecins qui passent et repassent devant toi te font t’activer, et tu vas t’enfermer dans une autre pièce pour retirer tes vêtements trempés et enfiler un pantalon et une chemise sèche. Tu essaies de ne pas réfléchir, Tigern. A rien. Parce que ce n’est pas ton genre. Parce que, ce n’est finalement pas la première fois qu’un homme t’embrasses … parce que tu essaies de te convaincre que ce n’est rien, et que, si ça avance, si ça va plus loin, ça finira à un moment, de la même manière qu’avec tous les autres.

Quand tu ressors, tu as toujours les cheveux trempés, alors tu les ramènes vers l’arrière. Etlhan est déjà sorti de sa douche, il a tout de même bien plus fière allure, bien que tu sentes un certain abattement dans son regard. « Elle est encore ici. » Que tu lances, en le rejoignant. La jeune infirmière te souris, puis elle s’éclipse rapidement pour reprendre son travail. « Tu as meilleure mine. » Et non, pas le moindre mot sur ce baiser volé. Une autre aurait fait une scène. Ou se serait jeté à son cou pour recommencer. Toi, tu joues la carte de l’amnésie passagère pour l’instant. « Tu devrais penser à aller te reposer un peu. Et peut-être à voir un vrai médecin pour ta tête … » Tu soupires, légèrement, tout en regardant autour de toi. « Il faut que je mette la main sur Erin. »