Tu sais quoi ? Et bah elle t'épuise, Aleksei. Le pire, c'est qu'il faut y aller, mine de rien pour te fatiguer … t'énerver, c'est plutôt facile, mais t'épuiser, non. Là, pourtant, une fois l'agacement passé, c'est bel et bien une forme avancée de lassitude que tu ressens. Oui, attirer ce titan, c'est bien ce que tu voulais. Le problème, c'est que tu as potentiellement bien mal calculer ton coup, et que maintenant que tu le vois, bien éveillé, tout à fait disposé à vous dévorer tous les deux, tu te dis que bon … c'était pas le plan de l'année, hein. Franchement, qu'est-ce qui t'avais encore pris, à la fin ? Il fallait toujours que tu pousses les choses bien trop loin. Que tu dépasses les bornes. On ira pas jusqu'à dire que c'est dans ton éducation, ça non, ce serait même tout l'inverse, disons que c'est un défaut, que toi tu appelles évidemment une qualité, que tu as développer seul, comme un grand, dans le seul et unique but d'emmerde le monde. Mais là. Ouais, on va dire que tu le regrettes assez vite quand tu te retrouves obligé d'agir pour ne pas le laisser fuir, et potentiellement revenir mettre le bazar dans le camp. Parce que, si fuir et rentrer en douce passe encore, être responsable d'un accident de titan, c'est autre chose. Et puis, ta sœur est là-bas, il est bien évident que tu refuses catégoriquement de lui faire prendre le moindre risque.

Elle parle trop. Ça t'irrite. Et pourtant, c'est toi qui lui a demander crier tout à l'heure, tout comme c'est toi qui vient de lui demander de l'ouvrir pour l'attirer mais … tu ne sais pas pourquoi, la voix de cette nana te tape autant sur le système. Probablement parce qu'elle a l'air de ne vouloir en faire qu'à sa tête, parce qu'elle prends peut-être un peu trop ça pour un jeu aussi, et que tu as la désagréable impression qu'elle ne cherche qu'à faire l'intéressante. T'es prêt, toi. Tu peux l'éliminer d'un bon coup de lame. C'est prévu. Tu sais ce que tu veux. Une minute, c'est tout ce dont tu as besoin mais … Mais elle choisit de te foncer dessus, et cette idiote, elle te percute de plein fouet et toi, et bah, tu te manges un arbre. Tu avais pris tellement d'élan, que le choc est particulièrement violent, lorsque tu retombes, t'es un peu sonné c'est vrai, mais tu parviens quand même à ne pas te laisser tomber mollement au sol, tu te rattrapes aux branches, tant bien que mal, et tu souffles, tout en secouant pour reprendre un peu de tes esprits. Quand tu reposes les yeux sur cette espèce d'idiote, le titan vient de l'attraper, il la ramène au sol avec toute la délicatesse que possèdent ces créatures et lentement, il la traîne sur le sol tout en la maintenant entre ses gros doigts. Il va la bouffer. C'est certain. Et la voilà qui te regarde, comme si rien n'était arrivé, comme si, comme si t'étais l'homme de la situation tiens. Et tu pourrais parader, si t'en avais le temps, mais c'est pas comme si tu étais du genre à juste laisser mourir quelqu'un sous tes yeux sans rien tenter.

Tu t'élances, rapidement, tu traces, tu te remets à sauter d'arbre en arbre pour le contourner, tu te presses, tu lances du gaz, tant pis, t'es probablement en train d'épuiser du stock là, mais tu le fais pour sauver une vie – même si c'est celle d'une débile – alors, tu n'hésites pas. Il est occupé, toute son attention est sur elle et toi, ça te permets juste de lui sauter sur le dos, de remonter le long de sa colonne et de venir violemment planter tes lames dans sa nuque. T'as pas pris d'élan pour le faire, du coup, tu sens bien que t'as pas assez profond, c'est pour ça que tu termines de l'enfoncer au pied, avant de tirer d'un coup sec vers la droite. Et le sang gicle, il vient agresser ta peau, il la brûle par endroit, mais au moins, la créature s’effondre et toi, tu sautes par terre, tu reviens vers la rouquine, tu te sers de l'une de tes lames pour couper de façon nette et surtout précise les doigts qui l'enserrent toujours et puis … tu te baisses, une fois tes armes rangées. Tu l'attrapes, tu la hisses dans tes bras pour l’éloigner du cadavre fumant, et tu la ramènes près de son cheval. « C'est bon maintenant, on peut rentrer ? T'es un danger public. » T'es pratiquement certain qu'elle pourrait se faire croquer au moins dix fois si elle continue sa route …

Niveau douceur, compréhension, tout ça, on repassera carrément, Aleksei. Il faut dire que ça n'a jamais été ton fort, et que la seule femme qui finalement, n'a jamais obtenu que des mots doux de ta part – et encore, tu es persuadé d'être parfois un peu brusque avec elle – c'est ta sœur jumelle. C'est que là, oui, on peut le dire, tu es passablement énervé. Cette … cette espèce de dingue, non seulement, elle aurait pu te faire tuer, mais en plus, elle a aussi failli se faire tuer. Alors oui, c'est vrai, l'idiot qui a cru bon d'attirer un titan sur elle pour la convaincre de rebrousser chemin, c'était toi. Ce n'était pas ton idée la plus brillante, ça, tu peux l'avouer. Il n'empêche que de ton point de vue, avec un tel comportement, elle aurait, de toute façon, réussi par attirer tous les titans du coin sur son passage. Et là, tu vois qu'elle aurait fini par se faire bouffer, à coup sûr, même. Non, vraiment, Aleksei, tu peux bien retourner le problème dans tous les sens, et pendant autant de temps que tu veux, tu es presque certain de toujours en arriver à la même conclusion.

Non mais regarde là, maintenant, alors que tu la déposes du côté de son canasson, elle a l'air d'une poupée toute cabossée, toute cassée. Bien sûr que tu le sais qu'elle a morfler, ça se voit, rien que sa manière de bouger est totalement différente de tout à l'heure. Quand tu lui ai tombée dessus, tu pouvais encore admettre que cette idiote était capable de se déplacer discrètement – un peu, faut pas non plus exagérer – mais là … Là, non, c'est fichu. Elle respire déjà aussi fort qu'un phoque asthmatique, tu pourrais la suivre à la trace et au bruit pendant des heures. Elle s'accroche à la selle de son cheval, tu as même l'impression qu'elle va claquer entre les pattes si ça continue. Mais, finalement, non. Son expression change à nouveau, et là, tu soupires. C'est pas du soulagement hein, oh non. C'est même tout l'inverse. C'est de la lassitude, parce que tu sais bien que cette idiote s'efforce de reprendre du poil de la bête et que d'ici deux minutes, même pas, elle va se remettre à t'emmerder. Bon sang …

Ça n'aura finalement pris qu'une minute. Une seule, oui. Et la revoilà face à toi, en train de débiter un flot d'ânerie ininterrompue. Toi qui avait eu, pendant un court instant, l'espoir qu'elle finisse par se taire, et par obéir, par être au moins un tout petit peu raisonnable et bien, non. Non, non. Elle recommence. Et toi, Aleksei, clairement, là, tu te sens comme … au bout de ta vie et de ton existence, approximativement. Ce qu'elle t'énerve. Elle n'écoute rien. Elle a au moins deux côtes qui sont, au moins fêlées, voir probablement cassées si elle n'a pas eu de chance, et pourtant, elle continue de faire la maligne en te regardant droit dans les yeux. Et tout est de ta faute, si tu n'avais pas, si ceci, si cela. Est-il bien utile, Alek, de préciser que tu ne l'écoutes même pas ? Probablement pas. Tu te contentes de rouler des yeux, tu ne trouves même pas ça drôle, dis donc, alors qu'en d'autres circonstances, tu aurais pu lui rire au nez. Mais là, quand elle se borne à te répéter qu'elle va y aller dans son fichu village, toi, tu vois rouge, un peu. Tu n'as pas le choix, Aleksei, c'est soit tu la suis jusqu'à son village tout pété à la noix, soit tu prends les choses en main de façon bien plus radicale. Et c'est ce que tu choisis de faire. Et parce que tu vois qu'elle a mal, tu choisis de venir mettre un coup dans ses côtes, puis un autre, et tu continues, jusqu'à ce qu'elle plie sous la douleur et là, tu frappes. Le côté de ta main vient cogner un point précis, dans sa nuque et au moment où elle s'effondre, toi, tu viens la rattraper. Vu qu'elle est KO, tu es bizarrement et inconsciemment plus doux lorsque tu la hisse dans tes bras, et que tu la soulèves pour venir l'installer sur son cheval. Tu viens ensuite attraper les rênes de l'animal, puis, doucement, tu reprends le chemin du camp tout en prenant soin de rester à côté pour la retenir au cas où elle viendrait à glisser.