Pas de tout repos. Oui, ça définissait assez bien la journée d'aujourd'hui, mais, ce n'était pas véritablement étonnant quand on savait qu'il s'agissait d'une énième mission à l'extérieur de ces murs. Tu te fichais pas mal de sortir. Tu ne l'avais jamais véritablement fait avec la peur au ventre, et si un jour, ça avait été le cas, cette peur, tu ne la portais pas pour toi mais pour Iliana. Une sœur, tu en avais déjà perdu une à cause de ces fichus titans, et quand bien même tu ne parlais jamais d'Erina – tes parents le faisaient assez pour toute la famille – elle n'en demeurait pas moins ta sœur. Celle que vous aviez tous perdue dans de terribles circonstances. Évidemment, il était tout à fait hors de question que les choses se passent de la même manière pour Iliana. Si cette idiote n'avait jamais rien voulu entendre des protestations qu'elle avait pu recevoir en rapport avec son idée d'intégrer l'armée, il avait bien fallu que quelqu'un se dévoue pour garder un œil sur elle et qui d'autre que toi pouvait assurer cette charge ? Avec ton caractère, tu n'avais aucun mal à te battre, et à faire couler le sang. Si effectivement, au début, les quantités d'hémoglobine versées à terre et les morceaux d'êtres humains éparpillés dans les plaines avaient réussi à t'arracher quelques haut le cœur, maintenant, c'était terminé, tu étais rôdé. Autant dire qu'il n'avait pas fallu longtemps pour que tu t'y fasses …

Fait relativement agaçant, et gênant : Iliana était parvenu à intégrer l'escouade qu'elle visait. Sa présence n'avait pas échapper à Bailey, et sans doute ce dernier avait-il eu dans l'idée que l'avoir auprès de lui pourrait lui permettre de la protéger, cependant, tu le maudissais encore chaque jour pour cette décision. Non seulement, tu étais séparé d'elle au cours de chacune des missions, ce qui rendait ta surveillance plus que difficile, mais en plus, le placement de Bailey dans la formation était, à ton sens, l'un des plus dangereux au monde. Il était devant. Là, où les titans pouvaient surgir de nul part. C'était aussi ton cas. Cependant, en ce qui concernait Iliana, quitte à ce qu'elle soit séparée de toi, tu aurais préféré la voir au milieu, avec les chariots. Ç’aurait probablement été un peu plus rassurant pour toi …

Bref. Toujours est-il qu'autour de toi, tu vois, tout le monde est crevé. T'as dormi, Alek. En fait, tu as dormi exactement pendant cinquante-six minutes. C'est moins d'une heure, oui, exactement, et pourtant pour toi, c'est largement suffisant. Ca t'as permis de prendre le premier tour de garde, parce que personne d'autre n'en voulait de votre côté après une  journée pareille. Une fois que ça s'est terminé, tu t'es perché en hauteur, t'as vagabonder à travers le camp de fortune et puis, tu as trouvé une distraction en la personne de ce petit papillon de nuit fuyant qui, se pensant probablement plus maligne que les autres à trouver bon de se faufiler hors du périmètre établi. N'importe qui d'autre l'aurait arrêtée avant qu'elle ne franchisse la limite mais toi … tu es bien trop curieux de voir, et de savoir, alors à la place, tu te faufiles en douce. Si elle a été assez discrète pour échapper à la vigilance de tout le Bataillon – pas compliqué, quand on sait qu'ils dorment tous à moitié à cette heure – toi, tu l'es assez pour la suivre des hauteurs sans qu'elle ne le remarque. Du moins, jusqu'à ce que ton pied glisse sur un peu de sève et que tu te rattrapes in-extremis. Là, tu sens bien qu'elle a capter quelque chose, et si tu retiens ton souffle un moment, elle finit par passer outre et te permets donc ainsi que de continuer ta filature.

Si on la découvre, elle risque gros. Elle sera probablement ligotée, balancée sur un chariot et enfermée pour être interrogée parce que, c'est comme ça, plus ça va, et plus les gradés du Bataillon sont à cran ces derniers temps. De ton côté ? En la suivant, tu risques globalement la même chose mais c'est bien connu, que toi, tu ne fais jamais rien comme tout le monde et que tu vas de toute façon toujours en avant des ennuis.

Tu suis la jeune femme pendant plusieurs longues minutes, tout en ouvrant l’œil. Tu sais qu'à cette heure, peu de titan sont encore en état de marche, mais ça n'enlève rien au fait qu'il te faut rester prudent et d'ailleurs, alors qu'elle continue d'avancer, à dos de cheval, ton regard se pose sur cette masse, en bas. Perché sur ta branche, tu la fixes un instant, t'apercevant bien vite que cette chose bouge. Oh, il n'est pas bien grand. Deux mètres, deux mètres cinquante, peut-être, mais elle ne semble pas l'avoir remarqué alors, avant qu'elle ne lui passe littéralement sous le nez – et ne prenne le risque de se faire gober – tu sautes en bas de ton arbre pour atterrir près de son cheval. L'animal prends peur, et tu attrapes aussitôt les rênes pour le dévier de sa route. Ton masque cachant ton visage, tu lèves la tête alors que ton doigt vient se placer verticalement sur tes lèvres pour indiquer à la cavalière de se taire, de rester silencieuse. Puis, tu entraînes le cheval dans la direction opposée, gardant l’œil sur le titan avachi dans les branchages. « Pourquoi prendre le risque d'échapper au Bataillon au beau milieu d'une mission, si c'est pour oublier d'ouvrir les yeux en territoire ennemi ? » Murmures-tu alors, quand enfin tu estimes être à bonne distance du danger.

Ce n'est probablement pas réfléchi, mais il n'empêche qu'il y a très probablement un peu de cette moquerie qui te sied si bien lorsque tu ouvres la bouche. Ce n'est pas une vraie question. Ou alors à moitié. Tu es bel et bien curieux de connaître le pourquoi du comment cette petite a cru bon de soustraire l'autorité et la pseudo sécurité du Bataillon d'Exploration pour aller vagabonder, en pleine nuit, en territoire titan. Ça t'intrigue. Parce que, tu ne connais personne d'autre qui serait capable de faire une telle chose … simplement parce qu'à première vu, et quand on y pense, à moins d'être suicidaire, il n'y a aucune raison de faire une telle chose.

Tes yeux toujours bien grands ouverts, si tu as l'air concentré sur cette fille, il n'en est rien. Tu n'oublies pas de garder au moins un œil sur ce qui peut bien se passer autour de vous. C'est rare que le Bataillon se permette de rester dehors la nuit, la faute cette fois à une expérience pour la section de recherche, si tu as bien tout compris des murmures et des rumeurs qui ont circuler en début de soirée dans le camp de fortune, parmi les soldats. La nuit, ça pourrait paraître calme et sécuritaire, il n'empêche que c'est loin d'être le cas. Alors, oui, les titans sont inactifs, presque endormis, mais ce n'est pas non plus comme s'ils ne pouvaient pas bouger. Ils ont moins d'énergie, et de … dextérité, si on peut dire, il n'empêche que de ton côté, tu restes méfiant, et persuadé qu'une de ces choses est tout à fait capable de se lever pour attraper une proie, même au milieu de la nuit.

Cependant, vois-tu, Aleksei, ça n'empêche pas cette fille-là de chercher à être piquante. Elle pourrait en vexer ou en agacer plus d'un avec un tel comportement, surtout quand on sait qu'au final, tu viens de lui sauver la vie en la suivant de la sorte mais, franchement, toi, ça te passe très largement au dessus de la tête. Des bonnes femmes agaçantes, t'en as croisé pas mal, t'as toujours su les remettre à leur place. « Est-ce que j'ai une tête de premier de classe, franchement ? » Tu te fiches bien de ce qui peut bien lui arriver. C'est pas toi qui ira vendre la mèche. Déjà parce qu'au fond, ça ne te regarde pas et que si tu es là, c'est juste pour ta curiosité personnelle, rien de plus, ensuite parce qu'honnêtement, c'est clairement pas ton genre. Pourquoi le ferais-tu ? Pour un peu de reconnaissance ? A d'autres. T'es pas intéressé.

Et puis, finalement, tu lâches les rênes du cheval que tu tenais pourtant bien fermement pour guider l'animal. Ça se voit pas, hein, mais face à son comportement hautain – on la croirait en pleine crise d'adolescence – tu roules des yeux sous ton masque. Non seulement elle parle trop fort, mais en plus, elle n'est finalement plus du tout discrète à tes yeux, là. « Je peux pas te laisser partir. » Disons que tu te dis que, si on sait que tu savais, et que tu l'as quand même laissé partir … tu risques gros. Tu te fiches bien d'être un peu malmené, ou te prendre un savon, t'es assez fort pour encaisser ces choses là. Il n'empêche que si cette effrontée se fait bouffer – et tu ne doutes pas que ça va lui arriver avant que le jour se lève – ce sera bien plus grave. Tu pourrais être viré du Bataillon. Et tu perdrais là le seul moyen que tu as d'être pas trop loin d'Iliana. Au final, tu as beaucoup à perdre. « Tu m'as pas l'air d'être bien futée … t'as même pas vu le monstre de plus de deux mètres qui traînait dans les buissons tout à l'heure. » Bon, il faut dire que dans la nuit, avachi comme il était, il ne ressemblait pas à grand chose de dangereux, mais, toi, tu l'as capté. Et elle aurait du en être capable aussi, du moins, si elle voulait se permettre ce genre d'écart. « Il avait qu'à tendre mollement la main pour te cueillir. » Et là, Alek, t'es carrément en train de te moquer d'elle, peu importe qu'elle tente de t'intimider, ou peu importe ce qu'elle essaie de faire du haut de son … quoi ? De son mètre dix, à tout casser. « Aller. Demi-tour, me force pas à utiliser la force … il est tard. »

On ne va pas dire que ce genre d'attitude ne te ressemble pas, parce que, ce serait mentir. Tu agis même de cette manière un peu trop souvent, mais généralement, tu ne le fais que pour Iliana, et certainement pas pour les même raison qu'aujourd'hui. Ta sœur, à tes yeux, c'est cette petite chose fragile que tu te fais un devoir de protéger. Tu n'aimes absolument pas la savoir ici, dans le coin, à l'extérieur, exposée à l'armée de titans qui se baladent à travers ces larges plaines. Tu n'as jamais estimé que ta sœur était taillée pour les Bataillons, ce n'est pas un manque de confiance, loin de là, c'est juste que tu la connais, tu sais sa fragilité, et ses faiblesses. Les soldats qui sont ici sont des assassins, des bouchers, du moins, c'est ce qu'ils doivent être s'ils veulent survivre. Ta sœur est loin de cette image. Et c'est pour ça que tu t'efforces de la couvrir. Que tu te sens obligé de lui servir de guide.

En ce qui concerne cette gamine … elle n'a pas l'air fragile du tout. Non. En fait. Elle est juste bête et inconsciente. Si tu n'avais pas été là ce soir, le Bataillon aurait perdu un soldat dans ses rangs de la manière la plus stupide possible, il y aurait presque eu de quoi en rire au retour de mission. Autant l'éviter, si tu le pouvais. Et puis surtout, ce n'était pas non plus comme si tu étais du genre à laisser des gens mourir d'une façon aussi horrible sans bouger le petit doigt. Maintenant, t'es mouillé jusqu'au coude, mon petit pote, alors tu sais que t'as plutôt pas intérêt de merder, et elle non plus. C'est pour ça que tu viens de te mettre en tête de la faire marcher droit, sur la ligne droite que tu vas dessiner toi-même. Ouais, tu as décidé qu'à partir de maintenant, c'était toi qui décidait, parce qu'avec ces conneries, tu risques gros toi aussi.

Tu ignores ses provocations. Les remarques quand à ce masque, qu'elles soient voilées, à peine dissimulées ou claires comme de l'eau de roche, t'y es habitué. Ça ne te touche plus, ça ne t'atteint plus, ça fait bien trop longtemps maintenant que tu vis en cachant une si grande partir de ton visage à cause de cette blessure parfaitement disgracieuse qui a tant fait grimacer ta famille. « Tenter ? » Tu pourrais presque t'offusquer de devoir endurer de telles conneries. Sérieusement, à quoi est-ce que ça rimait de se faufiler au nez et à la barbe de tous, si elle n'était même pas certaine elle-même de pouvoir gérer. C'est déstabilisant, et particulièrement énervant de l'entendre parler. Elle a bel et bien le corps d'une femme du Bataillon – parce que contrairement à d'autres, toi, tu estimes que l'entrée dans un tel corps d'armée marquait de façon signification de la fin de l'enfance – et pourtant, elle parle et agis comme une adolescente en pleine crise. Elle te rappelle quelqu'un, tiens. N'est-ce pas, Aleksei ? On dirait toi, quand tu faisais tout et n'importe quoi sans penser aux conséquences rien que pour emmerder tes parents. Ah, quelle époque. La différence dans ton cas, c'est que tu prenais pas le risque de finir dévoré et recraché en boule de chair et d'os par un titan tout moche.

En clair. Elle te fatigue bien vite. Tu pourrais rentrer, hein. C'est vrai. Elle te le dis d'ailleurs, t'as qu'à faire demi-tour. D'ailleurs, tu pourrais en profiter pour aller voir Iliana, elle doit être dans le coin, au camp, quelque part. Normalement, c'est ce que t'avais résolu de faire, avant que tu ne la vois passer avec son canasson. « Ta chance de quoi ? » Non, en fait, tu t'en fiches complètement. Peu importe. Tu viens juste te glisser devant elle, à nouveau, et tu la fixes un moment, avant de laisser ton regard glisser vers ta droite, dans les buissons qui bougent légèrement. Parce que oui. Ça, tu vois, c'est une chose intéressante que l'on apprends uniquement sur le terrain. La théorie raconte que, durant la nuit, les titans sont inactifs. On pourrait donc croire qu'ils dorment … et c'est un peu le cas, en réalité. Ils s'allongent, ils ne bougent pratiquement plus. Ils sont aussi quasiment aveugle, ce qui, en fait, ne les empêche pas de savoir repérer un être humain qui passe à côté d'eux. Et puis. Dernière chose : ces choses adorent entendre les êtres humains parler. C'est principalement ce qui les attirent. Les voix. C'est pour ça que, alors que jusqu'à présent, tu t'efforçais de parler tout bas, tu hausses le ton. Cette idiote papote depuis à l'heure, c'est bien pour ça que le titan affalé non loin de vous s'agite. « Bon ! » Dis-tu, tout à coup, laissant ta voix résonner alentours. « On va quand même pas devoir se battre … ? Je frappe pas sur les femmes, habituellement mais s'il le faut, je devrais pouvoir faire une exception. » Et plus tu causes, Alek. Plus ça s'agite du côté des buissons.

Il y a un plan dans ta tête. Oui. En vérité, tu viens de l'élaborer, il manque clairement de détails, et surtout, il craint, un peu, beaucoup, complètement, en fait. Le problème Alek, c'est que bon, tu n'as pas spécialement la patience pour t'amuser à la convaincre avec des mots, pour argumenter, pour trouver les raisons. Pendant un moment, tu as même pensé à l'accompagner, à imposer ta présence, en te disant que comme ça, tu pourrais t'assurer qu'elle rentre en vie, mais … non, tu n'as envie de t'infliger un truc pareil, et surtout, tu n'as aucune envie de supporter cette fille, que tu ne connais pas, rappelons-le, et qui visiblement à le don – pas si rare pourtant – de t'agresser le système nerveux. Tu as mis les pieds dans le plat comme un grand. Tu le sais. Mais t'es assurément pas assez inconscient pour juste … faire demi-tour, la laisser là, et croire que tout va bien se passer pour tout le monde. Rien ne se passe jamais bien pour personne. Surtout pas en dehors des murs, c'est une certitude que tu as acquise, et tu es bien décidé à le lui prouver, d'ailleurs.

Le voilà, ton plan. A l'origine, tu voulais juste lui éviter que ce titan à moitié endormi ne lui tombe dessus par surprise, alors, tu l'en a écartée, tu l'as prévenue du danger, et tu as fais en sorte de baisser d'un ton ou deux afin qu'il ne se décide pas à vous sauter dessus le temps que tu règles le soucis. Maintenant que tu as bien compris que tu n'y parviendrais pas tout seul, et surtout pas comme ça, dans le plus grand des calmes, tu as choisis de forcer les choses. Et si elle espère que sa petite escapade nocturne se passera sans encombre, toi, tu as décidé que ce ne serait pas le cas. Tu vas lui mettre des bâtons dans les roues, Aleksei, au point de lui faire regretter d'avoir mis ne serait-ce qu'un orteil hors de ce fichu camp. T'as pas choisi d'y aller de main morte … parce qu'au final, la douceur et toi, c'est deux lignes parallèles, le genre qui ne bougent pas, ne dévient jamais et donc, n'ont strictement aucune chance de se rencontrer.

Et te voilà soudainement en train de hausser le ton, tu parles même plus fort que tu ne le ferais habituellement, tu simules le fait d'être énervé pour de bon, maintenant, et puis, tu viens la chercher, la provoquer. T'as aucune envie de te battre avec elle, hein. Habituellement, t'es pas le genre de type qui frappe si facilement sur une nana, pour ça, faut vraiment qu'elle te prenne la tête, mais tu te dis qu'en faisant ça, tu vas la faire gueule un peu plus fort, et que tu vas finir par faire en sorte que ce titan, pas si gros, facilement gérable ici, près des arbres, fasse des siennes, se lève, et vous saute dessus. Oui. C'est ton plan. Lui envoyer un titan sur le coin de la tête pour la décider à faire demi-tour, direction le temps. « Venir ? Comme si j'allais m'amuser à jouer les garde du corps ... » Elle gronde. Elle tonne. Elle fulmine de colère. C'est tout ce que tu voulais, t'as ce don de mettre les gens en rogne avec ton attitude, alors forcément, c'est pas si étonnant. Il n'empêche qu'avec elle, ça aura bien facile, et particulièrement rapide. Elle va même jusqu'à venir coller une lame tranchante contre ta gorge et … et sous ton masque, tu roules des yeux, avant de te permettre un sourire. C'est pas la première qu'on menace de faire la peau, alors, si elle se figure que tu vas te mettre à trembler et la laisser docilement passer, elle se trompe. « Quoi ? Ça ? Tu plaisantes j'espère. » Visiblement, elle avait réellement de l'espoir. « Tu espérais vraiment … me faire plier comme un chiot avec ça ? Menace moi avec quelque chose qui me fait vraiment peur, si tu veux arriver à quelque chose. Mais bon courage pour trouver. » Ta main se lève, vient attraper la lame que tu sers entre tes doigts, légèrement, et pourtant c'est suffisant pour que le tranchant, bien aiguisé, pénètre dans ta chair et vienne faire couler ton sang. C'est pas un truc comme ça qui va t'arrêter, t'as pas passé une partie de ta vie à te battre avec des types très peu fréquentables, parfois particulièrement dangereux, alors, les lames, t'en as vu d'autres. Le truc, par contre, c'est que tu t'impatientes. Il ne bouge pas ce fichu titan, il remue, mais il ne fait que ça, alors tu soupires, et tout en resserrant un peu la lame, tu y assures un peu plus d'emprise pour la bouger d'un coup sec. Tu viens alors mordre, et même dévorer la distance entre elle et toi, et ton bras vient se loger au creux de ses reins, tu l'attires contre toi brutalement tout en la poussant contre le cheval. Puis, tu te penches sur elle. « Tu veux que je te lâches ? Alors … je veux t'entendre crier. »

S'il existe en toi une seule misérable petite once de retenue … Tu viens très probablement de l'abandonner, ou encore de la perdre en route. Elle aura fini par te taper sur le système nerveux, et pour de bon en plus, alors, ouais, t'as un peu les nerfs qui lâchent, Aleksei, et c'est pas si rare, ça arrive même relativement souvent. Elle te fais perdre patience, et ce titan qui visiblement, refuse encore et toujours de se montrer n'arrange clairement pas les choses. C'est pour ça que tu changes de tactique. Au diable la presque subtilité avec laquelle tu avais visiblement choisi de faire les choses, tu abandonnes, et tu profites de l'attaque directe qu'elle te lance en te menaçant d'une lame aiguisée pour le faire. En moins d'une minute, tu l'attrapes, tu la ramènes à toi tout en la poussant contre son cheval et oui, t'as ce demi sourire un peu malsain, et ce regard un peu perturbant quand tu lui demandes littéralement de crier pour toi. Tu le menaces, tu te dis que généralement, c'est le genre de chose qui ne peut que marcher sur une femme et … et ça marche peut-être peu trop bien, en fait.

Parce que oui, elle se met bel et bien à crier, à presque hurler même, comme une furie. Mais en plus de ça, elle le fait de bon cœur, même pas pour que tu lâches parce qu'à la place d'une dose de panique, elle ne t'offre que provocation. Une provocation peu habituelle, d'ailleurs. Le genre qui suffit à te prendre par surprise, au point de lui permettre de te filer entre les doigts. Elle te repousse, et tu te laisses faire presque mollement, et tu ne la vois même pas venir Alek, quand ses doigts passent si près de ton visage, qu'elle parvient à agripper ton masque et à juste … te l'arracher. Et ça, tu vois. Ça te mets en rage. Tu pourrais la démolir, tu pourrais l'anéantir pour avoir oser faire un truc pareil. Tu pourrais, si elle n'avait pas déjà filer, et si elle n'était pas une femme, aussi. C'est dans tes principes de ne pas lever la main sur une fille, certains trouveraient probablement ça un peu vieux jeu, d'autres un peu ridicule, toi, tu t'efforces de t'y tenir. Même lorsque la vie mets sur ton chemin une nana aussi déchaînée que celle-là.

Pendant un instant, tu y penses. Tu songes à aller récupérer ce fichu masque, dans l'herbe à quelques mètres du cheval mais … tu n'as pas le temps, et la voix de la rouquine te sors de tes pseudos rêveries. Tant pis, tu le retrouveras bien tout à l'heure, du moins, tu l'espères pour elle parce que tu n'as aucune intention de supporter les regards insistants sur ton visage marqué. « Et quoi ? T'es pas capable de te débrouiller toute seule ? Il est tout petit. » C'est vrai. Il est petit pour un titan, il n'empêche qu'il mesure quand même le double de ta taille, au final. Tu le voyais plus petit. Il n'en reste pas moins bien moins impressionnant que certains autres. Et tu sais quoi ? Pendant un moment, t'as cette envie de la laisser se débrouiller toute seule. Le truc, c'est que cette idée t’apparaît finalement totalement contre-productive, plus elle perd du temps ici, plus elle t'en fait perdre. Alors, après un soupire las, tu t'élances avec elle. Il est aveugle – sans compter le poignard qui est venu le priver d'un de ses yeux – mais ses mouvements sont très aléatoires, alors, forcément, c'est de justesse que tu lui passes à côté pour rejoindre les arbres. « Vu que tu sais gueuler, attire le par ici avec ton agaçante voix de pucelle. » Que tu crache, alors que, tu le vois qui cours juste droit devant … C'est qu'il ne faudrait pas qu'il vous échappe alors, quand tu repars, c'est pour t'approcher, taillader, et finalement faire en sorte qu'il se tourne à nouveau vers la lisière de la forêt.