Assise près de la fenêtre, le nez dans un livre, tu es absorbée par ta lecture. Du moins en apparence. En fait, tu te caches de ton époux Emerald. C’est devenu vital pour toi, de chercher à lui échapper la plupart du temps. Parce que tu vois, tu as de plus en plus de mal à supporter cet homme dont tu partages la vie depuis près de sept ans maintenant. Cet homme qu’on t’a forcé à épouser, qui a trente ans de plus que toi et que tu n’as décidément jamais aimé.

Tu as essayé Emerald, vraiment. Pas parce que tu en avais envie loin de là, mais tu t’es dit que si tu finissais au moins par éprouver de l’affection pour lui… ça serait beaucoup plus facile pour toi. Ta vie serait plus facile. Te coucher près de lui serait plus facile. Partager sa couche te serait… beaucoup moins horrible. Mais… tu n’as jamais réussi. Si tu as appris à prendre sur toi, si tu as été obligée de t’y faire tout simplement parce que tu ne voulais pas que ta famille en pâtisse, si tu as été obligée de t’y faire parce que tu n’avais pas le choix… aujourd’hui encore tu te sens toujours aussi mal, toujours aussi souillée. Comme au premier jour.

Pourtant il y a eu du mieux à un moment. Un jour il est apparu, ce nouveau serveur, celui qui a fini par t’apporter tous les jours ton petit déjeuner. Celui qui te suivait, qui t’apportait ton ombrelle, qui a fini par te lire tes romans tandis que tu te délassais dans le jardin. Il ne t’a pas fallu longtemps Emerald avant de tomber sous son charme. Et tu as bien vite profité des absences de ton époux pour le retrouver à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Toi qui n’avais jamais connu les joies de l’amour, toi qui ne savais pas ce que voulait dire tomber amoureuse... Tu avais enfin fini sentir battre ton coeur à la chamade. Tu avais enfin des étoiles dans les yeux, les mains moites, l’envie irrépressible de te jeter dans les bras d’un homme…

Mais il faut croire que tu n’as pas été assez futée Emerald. Pas assez futée, ou pas assez discrète. Le secret s’est éventé. Aleksander a fini par découvrir ce qu’il se passait derrière son dos. Et s’il ne t’a jamais rien dit, si il a fait comme si de rien n’était… Peu de temps après qu’une femme de chambre vous ai découverts, Elijah n’était plus là. Et tu n’as jamais réussi à retrouver sa trace Emerald. Tu as essayé pourtant, t’as fureté, t’as posé des questions. Mais personne ne semblait l’avoir vu partir. Pire encore, tous les servants ont fini par te dire qu’ils ne connaissaient pas cet homme.

Un jour où tu courais dans les jardins, un jour où tu fuyais au loin pour laisser exploser ta peine, tu as fini par remarquer un petit monticule de terre. Un endroit où la terre venait d’être retournée il n’y a pas si longtemps que ça. Et… t’as vu, pas loin de ce monticule, briller un objet dans la pelouse. Une boucle. Celle qu’Elijah portait et… et ça Emerald, lorsque tu as compris ce qu’il s’était passé, il y a quelque chose qui s’est brisé en toi. Tu as pleuré. Tellement pleuré. Tu as eu si mal, la douleur était tellement forte que tu as eu envie de te laisser mourir. D’ailleurs t’as été malade pendant plusieurs semaines, forcée d’être alitée avec une forte fièvre, tu as déliré. Tu as cru devenir folle. Tu as cru que tu allais te laisser dépérir mais…

La réalité est tout autre. T’as fini par puiser dans tes réserves. T’as fini par te dire que tu devais continuer de vivre, juste au moins le temps d’accomplir ta vengeance. Juste au moins le temps de le faire souffrir autant qu’il t’a fait souffrir. Parce qu’il est hors de question que tu le laisses s’en sortir. Et t’es tellement absorbée dans tes douloureux souvenirs que c’est à peine si tu entends les bruits de pas derrière toi.

« Vous voilà enfin. » Tu te relèves d’un bond, jetant derrière le coussin le traité de plantes médicinales que tu es en train de parcourir. Ça a pas l’air douteux du tout ça hin comme manière d’agir Emerald… heureusement pour toi, Aleksander se tourne vers un homme blond, aux yeux perçants qui se tient derrière lui. « Vous m’avez fait perdre mon temps à devoir vous courir partout dans cette demeure. Aucun serviteur n’est venu vous apporter un message? » Tu pinces les lèvres. Si bien sûr. Mais tu ne veux pas lui causer de soucis tout simplement parce que tu ne voulais pas accourir au sifflet de ton maître. « Vous avez dû donner votre message à l’un des nouveaux serviteurs. Ils ne connaissent pas encore mes recoins favoris. » Tu baisses la tête et serres tes mains devant toi tandis qu’il pousse un lourd soupir, frustré. « Quels bons à rien… Bref je n’ai plus de temps à vous accorder, des affaires urgentes m’attendent. Je viens juste vous présenter Darrow. Il sera votre chaperon à présent. » Et il te lance un regard si glacial Emerald, si noir que tes poings se serrent tant la colère te submerge. Et si tu ouvres la bouche prête à répliquer, l’homme tourne immédiatement les talons. « Pas de discussions. C’est pour votre... sécurité. » Et il finit par vous planter là après te lancer un regard d’avertissement, et avoir murmuré une dernière parole à l’homme.