Il avait bien longtemps que je n’avais pas vu mon cousin. En temps normal, on trouvait le moyen de se voir au moins une fois toutes les deux semaines, entre deux missions. Mais avec les évènements du festival, ce temps c’était rallongé. J’avais été passer quelques jours à Chlorba, auprès de maman. Et d’Ephraïm. Bien que cette dernière partie n’était pas vraiment voulu. Bref, un petit mois c’était passé sans que je ne puisse voir Azur. Alors, après avoir passer pas mal de temps avec Eden à démonter et remonter des hypothèses j’avais finalement quitter le laboratoire pour tenter de le trouver. Je savais qu’il y avait une réunion au sommet avec les caporaux. Mais mes discussions enflammées avec Eden avait pris un peu plus de temps que prévu. Comme à chaque fois. Cette fille avait une façon de pensée bien particulière. Mais du coup, bosser avec elle était toujours très intéressant. Un peu dingue. Mais intéressant.


Bref, je tentais de marcher aussi vite que possible dans les couloirs du QG. Je l’aperçus enfin au loin. Je ne pouvais pas confondre son incroyable barbe avec une autre. Sauf que déjà il prenait un tournant. Bon, on allait me prendre pour une folle, mais d’un autre côté, toute la division scientifique subit cette réputation. Je n’allais choquée personne, il ne me reste donc plus qu’à courir. Au virage, je tente même un léger dérapage pour me pointer devant Azur. « Qu’est ce qu’il faut pas faire pour un moment en famille. » J’étais légèrement essouflée pour le coup. J’avais passer l’âge de faire des glissades dans les couloirs. C’est ma mère qui allait être ravie de savoir que je parvenais toujours à le faire. Je m’étais fait un nombre incroyable de bosses comme ça. « Salut cousin ! T’es dispo pour un déjeuner ? »

Tu es pressé, tendu, comme à chaque fois que tu quittes le bureau où votre Major réunit toute sa petite troupe de gradés. Aujourd’hui, les résultats n’ont pas donné grand-chose à ces réunions hebdomadaires. Vous n’avez pas d’infos sur Trost, ou alors Léandre tâche de ne pas vous le dire, et personne n’avait plus d’informations. À la finalité, toi qui prends toujours des notes, tu as fini par dessiner sur ton carnet sans écouter plus que d’une oreille. Il faut dire que ta balade au bord de la rivière avec la petite dernière de ton escouade te tourne encore dans la tête. Même si tu en as parlé avec tes amis hein… Quelle poisse.

Tu presses le pas sans le voir, quand tu quittes le couloir où tu es sorti. Parfois, Azur, tu te demandes si Léandre ne prend pas plaisir à vous faire venir à des réunions inutiles pour que vous souffriez un peu avec lui. Parce que là, en partant, tu vois vite fait son demi-sourire en coin et toi ça te dépite. C’est pour ça que tu te dépêches, histoire de ne pas te faire attraper pour un autre point sans fin. Et tu es si concentré à partir loin et vite que tu sursautes quand une jolie blonde dérape pile devant toi.

« Emma ! Si ton visage était tendu, ça se souffle aussi vite que tu découvres ta cousine. Bien sûr, ça fait un bail en plus ! Tu fais un pas vers elle pour poser tes lèvres sur son front dans une salutation adorable, et puis tu recules. Tu veux manger où ? Quoi ? Auberge des Garroway ? »

Et comme pour répondre ton estomac laisse échapper un bruit digne d’un ogre qui te fait sincèrement rire. Sans attendre, tu viens te remettre en route en lui faisant signe de te suivre. C’est à ton bureau que tu passes en premier et dès que tu entres c’est pour jeter ton bloc-notes sur le bureau en bordel (comme toujours) et poser ta veste du bataillon pour ne rester qu’en chemise parce qu’il fait sacrément bon dehors.

« Bon dis-moi tout, comme vas-tu ? Et la famille, tu as pu les voir un peu ? Tu attrapes une bourse que tu fourres dans ta poche avant de revenir vers elle. Je t’offre le repas ! Comment ça se passe avec la section scientifique ma belle ? »

Visiblement, Azur ne m’avait pas vu venir. D’un autre côté, au lieu de courir et de faire une petite glissade, j’aurais tout simplement dû crier son nom. Faut dire que je n’y avait même pas penser. Et dire que j’étais sensé être intelligente. Je me dépitais moi-même alors que je faisais légèrement sursauté mon cousin. Mais je vois rapidement qu’il ne m’en veut pas. Mieux, j’ai l’impression qu’une légère tension quitte ses traits quand il me voit. « Emma ! Bien sûr, ça fait un bail en plus ! » Pour une fois, je n’allais pas manger toute seule. Il vient alors déposer un baiser sur mon front. Une attention qui me fait sourire. A croire que je resterais toujours une petite fille à ses yeux. Mais de sa part, ce geste ne m’avait jamais dérangé. Il était mon seul lien familial avec mon père. Et par la même, j’avais parfois l’impression qu’il m’embrassait pour mon père. Ouais, j’étais peut-être un peu tordu. Heureusement pour moi, ce sentiment s’était tout de même atténué avec le temps. Il restait malgré tout mon lien avec papa. « Tu veux manger où ? Quoi ? Auberge des Garroway ? » Je dépose à mon tour un baiser sur sa joue pour le saluer. « Chez les Garroway c’est parfait ! Mon estomac y trouve toujours son bonheur. » Visiblement, au bruit que fait son estomac, lui aussi est content de ce choix. Je ne peux retenir un petit rire.


Je le suis jusqu’à son bureau où il jette -plus qu’il ne pose- son bloc-note et laisse sa veste. C’est là d’ailleurs que je me rend compte que j’ai oublié la mienne au laboratoire. Il faut dire que c’est le premier truc que j’enlève en allant là-bas. Elle est trop gênante pour travailler. « Bon dis-moi tout, comme vas-tu ? Et la famille, tu as pu les voir un peu ? Je t’offre le repas ! Comment ça se passe avec la section scientifique ma belle ? » Trop de questions en même temps alors qu’il attrape sa bourse. Nous prenons alors la direction de la sortie. « Tout va bien. J’ai pu passer quelques jours chez maman. Elle m’a d’ailleurs dit de t’embrasser de sa part. Tu la connais, elle a eut du mal à me laisser repartir. » Ma mère avait un don pour subitement trouver tout un tas d’excuse pour me faire rester. La meilleure étant peut-être que quand je partais, les fleurs se fanaient… Ma mère avait une imagination débordante. « Et sinon ça change pas des masses chez nous les scientifiques. On remue nos méninges encore et encore. En tout cas, on ne s’ennuie jamais. Il y a toujours de nouvelles théories qui émergent. » Oui, j'adorais mon boulot. C'était tout a fait ce qu'il me fallait, après toutes ses heures à étudier les titans. D'autant plus que j'étais maintenant entouré de gens aussi passioné que moi. « Et toi ? Quoi de neuf ? »

Tu as un grand sourire en voyant que ta proposition fait son petit effet. Y’a pas à dire, Azur, tu as vraiment un adorable plaisir à voir les gens satisfaits de cette manière. C’est un peu stupide, hein, mais toi, ça te donne l’impression de faire de bonnes choses. Alors clairement, si sa peut t’offrir de jolis sourires comme ceux d’Emma, toi, tu continueras longtemps sur cette lancée.

Et tu l’entraines déposer tes affaires, avant de repartir dans les couloirs du QG et comme toujours quand tu es avec elle, tu ne peux pas t’empêcher de prendre des nouvelles autant de la famille que d’elle. Il faut dire que vous ne vous voyez pas forcément souvent, même si ça te manque souvent. Emma est une personne toute particulière à ton coeur, parce qu’elle fait le pont entre toi et la famille de ton oncle, son père.

« Ohhh, tu m’étonnes. Il faut vraiment que je prenne quelques jours de repos pour aller faire un coucou à la famille… Tu secoues la tête, parce que tu es bien trop sérieux pour avoir ces 3 dernières années. Elle va finir par dire que je ne l’aime plus ! »

Tu ris à cette idée, parce qu’il y a bien des choses que tu aimes dans cette vie, et ta tante, ta cousine, sa belle-famille, ce sont des gens qui comptent énormément pour toi qui a perdu si brutalement la famille que tu aurais pu construire. Et tu l’écoutes avec un sourire en hochant la tête à propos de l’escouade où elle officie. Tu n’as jamais compris son choix, mais tant qu’elle y est heureuse, qui es-tu pour t’y opposer ?

« Parfais ça ! Ça va, ils ne te font pas de misère ? J’ai cru entendre qu’ils partaient un peu au quart de tour, quand on est dehors et qu’ils voient un titan. Fais attention à toi, Emma ! Et tu finis par sortir de la cour du QG pour atterrir dans la rue en t’étirant de tout ton long, le visage basculé vers le soleil comme une vieille plante verte oubliée. Hmmm, ça fait du bien de souffler, un peu. Tu finis par te remettre en marche. Et bien, tout va bien pour moi. Je suis un peu fatigué avec tout ce qu’il s’est passé à Trost pendant le festival, notre Major a fait des réunions presque tous les jours… Tu as un petit rire, avant de secouer la tête. Sinon, pas grand-chose. J’ai une petite nouvelle dans l’équipe, ça fait du bien du sang frais de temps en temps ! »

Pourquoi tu en viens à parler de Jude, d’ailleurs ? C’est fou comme cette petite blonde ne cesse de te tourner dans la tête, et vient jusqu’à parasiter tes conversations. Et plutôt que d’accepter ça, tu finis par lui lancer un sourire en coin, en détournant la conversation sur elle.

« Et sinon, que devient une jolie jeune femme comme toi ? Tu as des pistes pour trouver le grand amour ? Et tu viens agrémenter ta question d’un adorable clin d’oeil. Franchement Aedan et Kelsier ont raison, parfois t'es une vraie commère mon grand. »

On pourrait croire qu’à cause de ma relation avec Ephraïm j’aurais un rapport avec la famille assez étrange. Voir froid. Mais j’en suis loin. J’aime ma famille. Ce qui, en réalité, me pousse à repousser l’homme de ma vie. Je suis prète à sacrifier mon propre bonheur pour ne pas gâcher celui de ma mère. Bref, ma famille est la chose la plus importante pour moi. Passer du temps avec mon cousin est donc toujours l’une de mes priorités. Je ne peux donc qu’être ravie d’être invité au restaurant. Et puis je sais que je vais bien manger, presque aussi bien chez maman pendant mon week-end chez elle. « Ohhh, tu m’étonnes. Il faut vraiment que je prenne quelques jours de repos pour aller faire un coucou à la famille… Elle va finir par dire que je ne l’aime plus ! » J’ai un petit rire. Encore une preuve que mon beau père est un type génial. Au lieu de se sentir offusqué de voir sa femme continuer à voir des membres de son ancienne belle famille, il nous a toujours pousser à garder contact avec eux. Comment est ce que je pourrais vouloir briser tout ça ? Enfin, pas le moment de penser à ça. « Voyons, elle ne pourra jamais ne plus t’aimer. Te faire culpabiliser, carrément, mais elle t’aimera toujours. » Oui, ma très chère maman à un côté assez manipulateur. Mais une manipulatrice attendrissante. Elle n’utilises son pouvoir que pour le bien, jamais pour faire le mal.

La conversation dérive alors sur le travail. « Parfais ça ! Ça va, ils ne te font pas de misère ? J’ai cru entendre qu’ils partaient un peu au quart de tour, quand on est dehors et qu’ils voient un titan. Fais attention à toi, Emma ! » Le pire, c’est qu’il est sérieux. « T’en fais pas pour moi. Tu oublies que moi aussi je sais partir au quart de tour. En vérité, je me suis jamais sentie aussi à fond dans le travail. » Oui, j’aime mon boulot. Il faut quand même un peu de bonheur dans ma vie pour compenser. Nous débarquons finalement dans la cour pleine de soleil. « Hmmm, ça fait du bien de souffler, un peu. Et bien, tout va bien pour moi. Je suis un peu fatigué avec tout ce qu’il s’est passé à Trost pendant le festival, notre Major a fait des réunions presque tous les jours… Sinon, pas grand-chose. J’ai une petite nouvelle dans l’équipe, ça fait du bien du sang frais de temps en temps ! » Si juste atteindre la cour lui donne l’impression de souffler, c’est qu’il subit vraiment trop de réunion. « Tu me donnes vraiment pas envie de monter en grade dis donc... » Quand le soleil commence à nous manquer c’est vraiment mauvais signe. Il reprend très vite, relançant la conversation sur une autre sujet. « Et sinon, que devient une jolie jeune femme comme toi ? Tu as des pistes pour trouver le grand amour ? Et tu viens agrémenter ta question d’un adorable clin d’oeil. » Et quel sujet… S’il savait que j’avais rencontrer le grand amour il y a dejà bien longtemps et que je faisais tout mon possible pour le repousser. Pourtant, si un jour je me décidais à dire la vérité, je savais qu’Azur serait l’une des premières personnes à qui j’en parlerais. « Comme si j’avais le temps pour ça… S’il vient sous la forme d’un titan je le trouverais peut-être, sinon, je suis mal barré. » Ce n’était même pas un vrai mensonge. Parce que je restais ouverte à la possibilité d’une autre histoire, mais je ne voyais pas vraiment comment le rencontrer. « Et toi ? Tu l’as rencontrer entre deux réunions ? Si tu veux un conseil, drague ta petite nouvelle, c’est le meilleur moyen pour rencontrer quelqu’un au vu de nos emplois du temps. » Plaisantais-je avec un grand sourire.

Tu as un rire sincère, quand Emma se met à parler de sa mère. Tu le sais bien, qu’elle a un sacré caractère, mais tu vois c’est toujours aussi amusant qu’on le reconnaisse aussi facilement. Alors oui, tu sais bien qu’elle risque de te faire tourner en bourrique, mais, après tout, c’est aussi pour ça que tu aimes ta famille, Azur.

« Ouaaais… Tu marmonnes pourtant quand elle parle du boulot. Fais quand même attention, je n’ai pas envie qu’il t’arrive quelque chose. Tu pinces un peu les lèvres, en retenant en toi la peur de perdre d’autres gens qui te sont proches. Disons qu’il faut garder en tête qu’en cas d’accident, il faut que tu t’en sortes. C’est ça, ouais… pense juste à toi. »

Et tu frissonnes un peu, parce que tu n’aimes pas du tout donner ce genre de conseil que ce soit à ta cousine ou aux membres de ton escouade, mais pourtant c’est un peu vrai. Tu sais absolument qu’il y a trop de soldats dans cette armée qui sont morts en voulant protéger les leurs. Contre 1 soldat mort, ça finit souvent en hécatombe, et toi, tu refuses que ça, ça arrive aussi aux gens de ta famille. Enfin bon…

Tu soupires, à fond, pour décharger ces angoisses et tu finis par revenir à elle, l’interroger sur sa vie, t’inquiéter encore une fois qu’elle n’ait personne. Franchement, tu ne comprends pas, Azur… parce que Emma est belle, elle rayonne, elle mériterait d’avoir quelqu’un pour remplir son coeur, mais elle a l’air de se borner à sa solitude, et vraiment, toi, ça te fait mal au coeur.

« Ne dis pas ça ! Tu râles en lui mettant un petit coup d’épaule alors que vous arrivez tranquillement à l’auberge des Garroway. Tu as tout ton temps pour trouver quelqu’un, il faut juste profiter de la vie et ne pas trop travailler. Tu poses un regard un peu inquiet sur elle, et te voilà à lui demander, tout doucement, en choisissant une table. Tu as peur de pas trouver la bonne personne ? Si quelqu’un t’a mis une connerie dans la tête à base de “t’as pas le droit ou tu ne le mérites pas”, ne l’écoutes pas hein ! Au pire, dis-le-moi, et j’m’en chargerai ! »

Ah ouais, parce que tu es bien gentil Azur, tu t’occupes bien de ton escouade, tu essaies de donner de l’attention à tout le monde, quand on s’en prend à quelqu’un qui t'est important, c’est clair que tu n’es plus le même. Rares sont ceux qui t’ont vu devenir méchant, vraiment, mais c’est une réalité qui existe au fond de toi et que tu peux faire bouillir pour elle, sans soucis.

« Quoi ?! »

T’étais en train de jouer des mains sur la table en bois de l’auberge quand ta cousine se met à sortir ce genre de… trucs ? Elle plaisante, sûrement… enfin tu crois. Mais toi, tu fais un de ces bonds sur ta chaise en secouant la tête et tu te sens obligé de te justifier, comme un triple idiot.

« T’es folle, j’ai le double de son âge ! Comme si c’était vraiment le meilleur argument… franchement Azur, tu aurais pu choisir meilleure remarque. Nan, pis moi tu sais, je volète à droite à gauche, mais ça me va bien comme ça… »

Ouais, c’est ce dont tu te persuades en tout cas.

Je pouvais comprendre son inquiétude lié à mon travail. Si elle était une donnée avec laquelle tout les proches des bataillons d'exploration devait faire avec, elle prenait une autre dimension avec nous. Parce que c'est moins flippant de chercher à les tuer tout de suite plutôt que de les étudier. J'evitais de dire à ma mère quand nous avions des spécimens vivant à étudier. Elle se ferait des cheveux blancs. Mais je ne pouvais pas vraiment le cacher à Azur. « Ouaaais… Fais quand même attention, je n’ai pas envie qu’il t’arrive quelque chose. Disons qu’il faut garder en tête qu’en cas d’accident, il faut que tu t’en sortes. C’est ça, ouais… pense juste à toi. » J'ai un sourire. Encore la réputation d'Eden qui frappait. « Ne t'en fais pas, je prend mes précautions. » Comme chacun d'entre nous. On était des passionnés, pas des suicidaires contrairement à ce que semblait penser nos camarades. 


La conversation dérive alors que nous arrivons à l'auberge Garroway. Sur un sujet qui me met bien moins à l'aise : l'amour. Franchement, on pourrait reparler du danger de mon travail ? La au moins je sais désamorcer les pièges. Je tente une pirouette, prétextant ne pas avoir le temps de a consacrer à une relation. « Ne dis pas ça ! Tu as tout ton temps pour trouver quelqu’un, il faut juste profiter de la vie et ne pas trop travailler. Tu as peur de pas trouver la bonne personne ? Si quelqu’un t’a mis une connerie dans la tête à base de “t’as pas le droit ou tu ne le mérites pas”, ne l’écoutes pas hein ! Au pire, dis-le-moi, et j’m’en chargerai ! » Le voilà prêt à défendre un ennemi invisible. Si je lui dis que je suis la seule à m'empêcher d'être heureuse en amour il va faire quoi ? M'en coller une ? En y réfléchissant, il pourrait bien me passer un savon au moins. Même si je ne savais pas du tout comment il réagirait en apprenant que l'élu de mon cœur était le fils de mon beau père. Je reprend la parole en m'asseyant à table. « Te monte pas la tête. Y'a personne pour le moment c'est tout. » Je tente de détourner l'attention sur lui, lui faisant remarquer qu'il n'avait pas plus le temps que moi de trouver l'amour. J'ajoutais même qu'il serait plus malin de draguer sa nouvelle recrue. « Quoi ?! » Visiblement ma boutade a titillé quelque chose. « T’es folle, j’ai le double de son âge ! Nan, pis moi tu sais, je volète à droite à gauche, mais ça me va bien comme ça… » Je pousse un soupir. « Pour un type qui veut me pousser à trouver le grand amour, t'as un discours bien différent quand il s'agit de toi. » Faites ce que je dis mais pas ce que je fais ? Une façon de faire assez hypocrite en un sens. Et je n'ai jamais vu mon cousin comme une personne hypocrite. « Et puis c'est quoi ton problème avec la différence d'âge ? A moins que tu aies rencontrer une gentille fille plus jeune que toi et que ça t'embête. » Je n'ai malheureusement pas le temps de surveiller l'expression de son visage puisqu'une serveuse vient prendre notre commande. Je prend le premier truc qui vient pour me focaliser de nouveau sur lui. « Et puis même si tu volète, comme tu dis, il y a peut-être une fille qui sort du lot... »

Ouais, bon c’est vrai, tu dois être sacrément étouffant, quand tu t’y mets. Tu as un tel besoin de protéger les gens, de faire attention à eux, d’être l’armure et l’épée de ta famille, que tu te montres probablement trop chiant avec Emma. Encore plus qu’elle n’est plus une petite fille, et qu’elle n’a jamais eu à te supporter comme un frère non plus. Tu t’en rends compte, mais tu fais quand même ton petit speech sur la sécurité comme un frère relou.

En faite, heureusement que vous arrivez vite à l'auberge et que tu t'installes en changeant de sujet. Ok, ce n’est pas pour être plus détendu, puisque te voilà maintenant à te monter la tête pour ses histoires de coeurs et quand elle finit juste par te répondre, un peu simplement, tu te rends compte que t’es vraiment chiant. Tu rougis, dis donc, et tes yeux roulent sur la table alors que tu grognasses, de mauvaise foi :

« Ouais bah si y a quelqu’un, j’espère bien que tu pourras m’en parler, que je puisse te protéger. T’es chiant, mais qu'est-ce que t’es chiant, bordel ! T’arrives finalement à ramener tes yeux à elle, bougon. Désolé, je ne veux pas être chiant. Tiens, première nouvelle. Juste que je veux te voir heureux. Puis tu comptes pour moi, et ta mère me tuera si je ne veille pas un minimum sur sa précieuse petite fille. Tu essaies vaguement d’alléger la conversation, là. Vraiment, Emma, si un jour t’as juste besoin de parler, ou de conseils, ou que sais-je, je suis là, d’accord ? »

À bien y réfléchir, ce serait peut-être ta soeur qu’elle irait voit en premier et vu comment tu es nul pour les sentiments depuis ta femme, tu ne lui en tiendrais même pas rigueur. Alors ouais, à la place, quand elle vient s’attaquer à tes propres soucis de fesses, enfin de coeur là peut-être plutôt, tu es choqué, tu essaies de fuir, de repousser la chose, mais t’avais probablement oublié que si t’es chiant, ta cousine est tenace.

« Ouais, mais moi je suis vieux, et j’ai déjà été marié, madame la râleuse. Tu lui réponds en plissant les yeux, faussement mécontent. L’amour j’ai eu, c’était bien, maintenant, j’avance c’est bien assez suffisant. »

C’est ce que tu te répètes tous les jours quand le manque se fait sentir. Tu peux paraître froid et sans amour pour celle que tu as perdue, mais la vérité, Azur, c’est que tu ne t’autorises plus vraiment à penser avec le coeur, parce que tu craindrais de la trahir. Ça n’a aucun sens, mais t’étais fidèle, et visiblement dans la mort de celle que tu as épousée, tu continues à l’être, même si ça te fou la tête à l’envers avec d’autres.

« Du ragoût du chef, s’il vous plait. Tu demandes en adressant un sourire parfaitement charmeur à la serveuse, sans pour autant lui manquer de respect. Qu’est-ce que tu racontes toi ? Tu finis par ramener tes yeux vers Emma après t’être clairement rincé les yeux sur la femme qui s’écartait de vous. Je te dis juste que même si éventuellement elle pouvait être mon genre, elle est trop jeune. J’ai pas envie d’avoir son père sur le dos. Tu boudes maintenant, putain Azur t’es vraiment pas possible. Et puis moi aussi je peux te retourner la question. Y’a personne qui sort du lot ? T’es décidée à passer ta vie seule ? T’as pas envie qu’il y ait un bon garçon pour te serrer le soir dans ses bras, quand tu rentres ? »