Le monde tangue, tourne. Le monde est une mer déchirée par les orages. T’as toujours aimé le vent et les orages, ça te fait te sentir vivant… mais là, Ekaitz, ça te fait peur. Tu sens bien qu’il se passe quelque chose de grave, mais t’as plus aucun repère. C’est comme si tu tournais en rond, tu sens que quelque chose presse, mais tu ne comprends plus quoi. Et ça tourne, ça tangue, ça hurle… tu as envie de mourir.

Ça dure longtemps comme ça, Ekaitz. Plus la tempête devient rude et plus l’envie de vomir se faire violente. Et avec ça viennent les douleurs partout dans ton corps. Ton visage, ton nez, ton corps et puis ton coeur. T’as mal à en crever. Tu es même persuadé que tu es mort, et tu pourrais y croire longtemps si une voix ne te tirait pas du brouillard dans lequel tu flottes.

La lumière t’aveugle, et tu te secoues en comprenant qu’on est en train de te libérer. Si pendant un instant tu t’attends à ce qu’un soldat ne te mène en cour martiale ou en prison, tu entends une voix que tu connais pas coeur. C’est Jahan, qui te secoue, qui te ramène à la réalité. Et toi, tu arraches le reste de tes liens avec brutalité pour te jeter sur ton frère. Tu le fais tomber au sol sous toi, en tremblant.

« JAHAN ! Qu’est-ce que tu fais là ?! Le district est tombé ? Que se passe-t-il ?! Et tu tournes la tête pour regarder la guerre, dehors, et tu grognes, haineux, tout à coup. HOOOOPE ! »

Et si tu lâches ton frère, c’est pour te remettre debout, d’un bond. Et si tu oscilles sur tes pieds, tu t’en sors pas si mal, t’as définitivement la tête dure.

« C’est Hope… Elle nous a trahis ! »

Et c’est mots te détruisent en dedans.

Je le vois qui s’agite, qui perce les nappes de brouillard qui semble l’entourer pourtant, je continue de le secouer et de l’appeler. Est ce que je suis surpris par sa réaction, absolument pas, il se redresse soudain comme un clown à ressort hors de sa boite et l’instant d’après je suis allongé sur le sol, il me surplombe, me lance un regard fou alors que je le vois trembler de tous ses membres. Pourtant je ne fais rien, je ne bouge pas, je ne tente même pas de me relever, je sais que quand il est comme ça, autant essayer de bouger un mur. « JAHAN ! Qu’est-ce que tu fais là ?! Le district est tombé ? Que se passe-t-il ?! HOOOOPE ! » Je fronce les sourcils. Calme toi frère ! Je suis venu car j’avais besoin de parler et…. qu’est ce qu’il s’est passé…. les Titans sont à l’intérieur…. Il se redresse, te laissant là sans plus de réponses.

Alors je l’imites, je me relève, mais manque de retomber directement tant ce qu’il dit ensuite me scie les jambes. « C’est Hope… Elle nous a trahis ! » Je reste un instant là, la bouche entrouverte le temps que ses mots s'imprègnent bien… Quoi… C’est elle ça …. Et je pointais mon doigt en direction du trou béant dans le mur. Je passais ma main dans mes cheveux les ébouriffants un peu plus. Je ne savais pas réellement ce que je ressentais pour le coup. Et tu n’étais au courant de rien ? Ma question pouvait sonner comme une accusation, mais j’ai du mal à croire qu’il ne pouvait pas savoir alors qu’ils passent souvent du temps ensemble, alors que moi qui suis si loin, je ne les vois presque jamais. Pourquoi elle a fait ça… pourquoi elle n’a rien dit...je …. Et revoilà ce sentiment si nouveau, si humain que je ne comprend pas, qui me fait peur et dont je voulais parler avec eux. Cette compassion, cette peine, cette peur, c’est tout nouveau pour moi et je reste comme un con au milieu de la pièce, parce que prendre une décision, je ne l’ai jamais fais, j’ai toujours laisser Hope et Ekaitz décidés pour nous, pour moi et là comme toujours je me tourne vers mon frère.

Tu vas tomber, tu vas mourir, tu vas… Et tu perds l’équilibre mon vieux. T’as beau être plutôt en bon état, avoir plutôt bien réchappé de ce satané coup de pelle, tu perds l’équilibre. Mental et physique. C’est à un tonneau que tu rattrapes ton corps, mais ton esprit, Ekaitz, il n’y a rien pour lui éviter la chute. Et ça, c’est dangereux.

Alors tu restes agrippé à ce tonneau en respirant comme un automate. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. De plus en plus fort, de plus en plus vite. Et quand tu annonces à ton frère que Hope est celle qui a agi sans vous consulter, sans même te laisser la protéger, tu es à deux doigts de rejoindre à nouveau les limbes. En vérité, t’y serais sûrement mieux que là, à moitié écrasé sur ton tonneau, à respirer comme un boeuf en tremblant de partout.

Les paroles de Jahan te percutent, et c’est ça qui finit par te faire calmer ton sourire. Tu fermes les yeux pour y cacher les larmes qui se forment et tu serres le tonneau encore plus fort, au point que tes phalanges deviennent blanches et douloureuses.

« J’ai eu un mauvais pressentiment hier soir, et j’ai fini par la trouver dans la journée. Je voulais ne pas la lâcher d’un pas, pour vérifier que je me trompais… Mais… j’ai pas eu le courage de lui dire que je sentais qu’elle allait faire une connerie. Et d’un seul coup tu tapes dans le tonneau si fort que ton poing passe à travers. J’l’ai perdu des yeux le temps d’une seconde. Elle m’a abandonnée pour aller faire exploser la porte et un autre shifter est apparu… Ils se sont battus, puis les deux corps ont été abandonnés. »

Et t’as dit tout ça sans t’arrêter, sauf pour cogner. Et te voilà à glisser par terre à nouveau, à genou, désespéré. Tu es si malheureux, tu as si mal. Non, t’es tellement en colère. T’as la rage, la haine.

« J’ai voulu faire sauter la caserne pour détourner l’attention, mais des soldats me sont tombés dessus… Y’a plus rien a faire. Les titans sont entrés. j’sais même pas si elle s’est fait capturée, ou pire. Y’a plus rien à faire. Que tu répètes, en luttant contre les larmes.

Je n’arrive pas à comprendre comment on en est arrivé là, je n’arrive pas à comprendre pourquoi Hope nous a tourné le dos, pourquoi elle a décidé de faire cavalier seul et de nous laisser à l'écart de ses projets. Est ce que je lui en veux ? Même pas, elle est ma seule famille avec Ekaitz et même si ça me blesse profondément, je ne pourrais que lui pardonner. Je sais que ça risque de se terminer comme ça, n’empêche en écoutant Ekaitz parler, la douleur se fait sourde dans ma poitrine, je reste là immobile, incapable de bouger, même quand je le vois percuter le tonneau, l’éventrant complètement. Je percute pourtant, quand il parle d’un autre Shifter, qui s’est battus contre elle, et même si je m’inquiètes pour elle, je me questionne surtout sur l’existence de ceux là, on nous en a pourtant déjà parler, de ceux qui protégeait les humains et si avant je les trouvais ridicule, maintenant je me demande s’il ne pourrait pas avoir raison finalement.

J’ai l’impression de m'effondrer, mais habituellement, Ekaits est là en soutien, il est celui qui me permet de tenir de debout alors le voir s’effondrer comme ça, me fait complètement paniquer et si je contiens mes larmes parce que je ne suis pas quelqu’un de démonstratif, mon regard lui ne trompe pas. Pourquoi tu étais là ? Voilà une chose que je ne comprend pas absolument pas. Il répond rapidement à ma question, il voulait créer une diversion. ça tu l’accepte parce que tu aurais fait la même chose, détourner l’attention pour les sauver, seulement, la fin de sa phrase, ce qu’il sous entend me met dans une colère noire. Je traverse en deux pas la distance qui nous sépare.

Je n’ai jamais affronté mon frère, pourtant, là, je l’attrape par le col et le colle rudement contre le mur, j’entends un craquement, mais je ne réagis pas. Je t’interdis d’imaginer le pire, tu entends…. elle… tu n’as pas le droit de dire ça. J’enrage littéralement, jamais je ne m’étais trouver dans cet état, si proche de perdre le contrôle, je me reconnais à peine. D’ailleurs, je finis par le lâcher, le repousser avant de finalement lancer mon poing qui percute sa mâchoire. Maintenant reprend toi…. On a du boulot. Cette voix froide, je ne la reconnais pas, peut être parce que je n’ai jamais parlé comme ça et ça me choque moi même. Je me recule subitement passant ma main dans mes cheveux, je viens de frapper mon frère, je …. Excuse moi… Et je baisse la tête comme un petit garçon prit en faute. J’ai l’impression que rien ne pourrait être pire et pourtant, depuis que je suis arrivé en ville, quelque chose se passe et c’est pire encore.

Tu coules Ekaitz, et c’est clairement moche à voir. Tu n’es pas celui qui coule habituellement. Dans cette fratrie, vous avez tous votre rôle, le tien c’est de défendre et de frapper. Pas de pleurer. Et pourtant, tu as l’impression d’être tout simplement à la dérive. Comme si ton monde s’était effondré, plus rien n’a de sens.

Tu pourrais certainement glisser longtemps dans ce mal, mais tu n’es pas seul, Ekaitz. Et si toi, tu as la spéciale Eïrild qui fait rire les types de la garnison, ton frère, il a visiblement un bon crochet du droit. Parce qu’il t’attrape pas la chemise, il te secoue pour que tu cesses de dire que votre soeur n’est plus, et si tu as vaguement un début de colère, il vient t’en coller une.

Et t’entends ce qu’il te dit, mais ça te fait éclater des étoiles devant les yeux. Comme si t’en avais pas eu assez aujourd’hui Ekaitz. Pourtant, c’est ce qu’il faut pour au moins te sortir de ta torpeur.

« T’es con putain… Tu grognes avant de t’accrocher à lui et faire retomber ton poids contre son corps. Aide-moi à me lever… que j’foute ma tête dans un… seau d’eau. »

Ouais, ça te remettra les pensées en ordre et ça devrait te suffire pour te dégriser de la douleur. T’as l’habitude de morfler, après tout.

« Qu’est-ce que tu fais là, Jahan… »

Il a parlé de te parler et mine de rien, même si le monde s’effondre, tu veux être là pour lui à défaut d’avoir pu l’être pour Hope.

Jamais je n’avais levé la main sur mon frère ou ma soeur, jamais je n’aurais osé, mais là, j’avais laissé la colère prendre le dessus et agir sans que je ne réfléchisse vraiment. Et pourtant j’étais connu pour être quelqu’un qui contrôle absolument tout. Je m’éloigne d’un pas, je m’excuse, mais quand il s’approche de moi, me tombant dans les bras car il ne tient plus vraiment debout j’entoure mes bras autour de sa taille, je le soutiens du mieux que je peux et j’ai même un petit rire sans joie. Oui pour le coup, j’ai vraiment été con, je l’ai frappé alors qu’il semblerait que d’autres l’ai fait avant moi. Mauvais idée, Jahan, très mauvaise idée…Je te tiens, t’inquiète pas. Et la colère à totalement disparus, il ne reste maintenant que l’inquiétude, je suis en quelques secondes redevenu le petit frère un peu effacé et qui ferait tout pour sa fratrie.

Lentement, je l’entraine un peu plus loin dans la caserne, jusqu’à trouver ce qu’il veut, de l’eau. Je l’aide à s’installer devant et je le laisse se rafraîchir, je fouille un peu autour de moi, j’ai l’impression d’être dans un état second, dans une bulle de coton. Alors quand ma main tombe finalement sur une bouteille de gnole, je me dis que ça peut être pas mal, pour faire passer le choc. J’ouvre la bouteille en bois une longue gorgée avant de grimacer. L’alcool, ça n’a jamais été trop mon truc, mais là brûlure me fait du bien, elle me réveille, elle me secoue et j’ai l’impression qu’elle réveille ma capacité à réfléchir qui était en berne depuis mon arrivée en ville.

Je retourne près de Ekaitz, il reprends des couleurs lui aussi, je lui tends la bouteille avant de m’asseoir à côté de lui. De là où on est on entends la bataille à l’extérieur, je plonge dans mes pensées, trouvant étrange que au lieu de jubiler de voir les humains massacrés, je ne pense qu’à une chose. Et si Ekaterina était venue au festival. Voilà une idée qui tourne en boucle et qui me dérange. Heureusement, il me sort de cette spirale. Je me posais juste des questions…. J’ai l’impression de… me perdre…. Là c’était un euphémisme pour dire qu’il se noyait jour après jour dans cette étrange remise en question. Ekaitz… Est ce qu’on est vraiment obligé de les laisser mourir ? Je lève les yeux vers la porte, vers la bataille, je voudrais rejoindre les troupes qui se battent actuellement, je voudrais les aider à mettre les civils en sûreté, abattre les Titans. Je voudrais faire tout ça, mais je ne fais rien. Pourquoi, parce ce que depuis toujours, j'ai été le suiveur, celui qui suit les ordres sans se poser de question.

Il te porte et t’as plus aucune énergie pour avancer toi-même. Tu le laisses faire, jusqu’à ce qu’il te déniche de quoi te rafraîchir et si ton frère te lâche pour faire tu-ne-sais-quoi, tu ne bois pas non. Tu viens littéralement foutre ta tête jusqu’aux épaules dans le tonneau d’eau gelée. Ça te fait l’effet d’une claque et pendant quelques instants tu te dis que tu vas juste te laisser couler dedans et lâcher prise, mais quand l’air te manque, tu relèves la tête. On ne peut pas aller contre l’instinct de survie, hein.

T’es en train de te secouer comme un animal, hérissant tes cheveux sur ta tête, quand Jahan revient. Te voilà enfin un peu plus frais et tu acceptes même sa bouteille avec un mouvement de tête pour le remercier. T’as jamais vu ton frère boire (ou presque), mais t’es pas celui qui lui fera la leçon. Toi-même tu t’enfiles une sacrée rasade et quand tu grognes parce que ce tord-boyau est affreusement dégueulasse, il se met à parler.

« Je… Tu t’arrêtes alors qu’il glisse contre le mur et tu vois combien il est perdu. Franchement, Jahan, tu m’parlerais de combat ou de haine, je pourrais te guider, mais là… Tu soupires, t’es con toi, tu ne sais pas ce qui est bien ou mal. J’crois que tout le monde n’est pas pourri ici. Tu t’rends compte du nombre d’enfants qui ont du… »

Nan tu ne le diras pas. On le sait Ekaitz, toi, les gamins, c’est ceux que tu protèges. Et là, ta soeur en a certainement tué ou traumatisé beaucoup trop. C’est… comme si tu te rendais compte du mal que vous faites ici.

« P’t’être qu’on devrait pas faire ça. P’t’être qu’il faut qu’on les regarde plus longtemps avant de choisir ? Tu secoues la tête, et tu finis par tendre la main à ton frère. Tu me retournes le cerveau, mon frère, il faut que nous nous tirions d’ici avant que ces cinglés de soldats ne me voient libéré… Viens. »

Je ne dirais pas que tout va bien, mais l’alcool m’aide à reprendre mes esprits, et puis voir mon frère ressembler un peu plus à celui qu’il est habituellement, finit de me rassurer. Même si tout n’est pas réglé, ça me donne espoir que les choses vont s’arranger pour nous que rien n’est perdu. On va retrouver Hope et je suis sur qu’elle aura une bonne raison d’avoir fait ça. En attendant, Ekaits, essaie de trouver une réponses à mes questionnements, mais je vois qu’il est aussi perdu que moi. Je ne parle pas alors que ses paroles résonnent en moi, j’ai l’impression que mon coeur se brise quand je pense à toutes les vies qui ont été perdu aujourd’hui à toute la souffrance que l’on a causé et je sens les larmes me monter aux yeux, j’ai de nouveau cette sensation étrange que je ressens pour les humains, enfin de base, c’était juste pour une poignée, pour certains qui avait réussit à me toucher par leur actions, par leurs histoire, mais là c’était des inconnus et pourtant, je souffrais pour eux. Pourquoi ce changement si brutal, pourquoi ces émotions m’envahissait au point que j’avais parfois l’impression de suffoquer.

Quand il reprends la parole je lève les yeux surpris vers lui, que lui pense à ce genre de chose. Une idée qui me traverse l’esprit depuis des semaines à chaque fois qu’il est questions de ce que l’on doit faire. Je suis resté silencieux tout au long de son discours, car ces paroles me renvoie à mes propres questionnements. Je sais pourtant, qu’il ne m’en voudra pas pour mon silence, il a l’habitude que je parles peur, d’ailleurs on pourrait dire qu’aujourd’hui j’ai été particulièrement bavard. Alors sans hésitation je saisis sa main et il m’aide à me redresser. Désolée… c’est… J’ai un petit sourire, il a raison, ce n’est pas le moment, ce n’est pas le meilleur endroit et puis, il valait déjà mieux trouver Hope, après tout, ce que je ressentais, je que je voulais, tout ça allait forcément impacter sur mon frère et ma soeur, alors autant qu’on soit tous ensemble pour en parler. Je te suis. C’est côte à côte que nous quittons la caserne.

On dirait que les choses se sont calmé, il y a un incendie en cours, mais on passe à côté sans même y prêter attention. Les titans dans la ville ont été tué et ont dirais que les soldats se sont organisé pour empêcher les autres d’entrer en ville. Et là aussi étrange que cela puisse paraître, je ressens de la fierté, car ils ont travaillé ensemble, ils ont réussis à surmonter une épreuves terrible et un instant, j’aurais voulu avoir pu me joindre à eux, combattre à leur côté. Je soupire, lance mes grappins et suis mon frère alors que l’on se met à la recherche de Hope.

Tu ne restes avec ce groupe de bras cassés que jusqu’à ce qu’on te donne l’ordre de pouvoir y aller. Tu n’es pas encore assez suicidaire pour essayer de fuir alors que le lieutenant Stellaa vient de débarquer oh non. Bien qu’il se soit lamentablement viander en essayant d’abattre ce dernier déviant. Au final c’est pratiquement toi qui a fait tout le travail. Apparaître. Abattre la porte. Te battre contre un inconnu. Disparaître. Te faufiler dans un groupe qui te cherche des poux à n’en faire qu’à leur tête et au final devoir y rester jusqu’au bout parce que t’as l’un des plus hauts gradés avec toi.

Et t’es fatiguée Hope. T’es si fatiguée. Déjà physiquement. En plus d’avoir abattu les deux titans dans les rues pendant que t’avais le rendez-vous des glandus de la garnison juste en face, t’as dû aider à achever les derniers près de la porte tandis qu’ils consolidaient leur maudite porte. Tu ne comptes plus le nombre que tu as abattus, mais ton état général en laisse apparaître une vague idée. Couverte de sang poisseux des pieds à la tête, personne ne pourra te dire que tu ne t’es pas vaillamment battu. Tes muscles hurlent de fatigue tandis que tu voles au travers de la ville, cherchant ardemment quelqu’un.

Mais t’es aussi fatiguée psychologiquement parlant. Déjà ça te soule qu’ils aient réussi à bloquer la porte alors que t’as mis tant de temps pour l’abattre. Mais c’est quelque chose que tu savais déjà. Forcément, ils ont trouvé des combines pour éviter de perdre un autre district. Mais lorsque tu vois le nombre de morts, aussi bien civils que soldats… Ça te conforte dans ton idée. Tu as bien fait. Ça ne fait que leur donner un coup de pression. Ça ne fait que leur dire qu’ils ne seront jamais en sécurité. Jamais. Et rien que pour ça… Ton plan est une réussite.

Mais il y a un mais Hope. Tu le sais. La face sombre, le mauvais côté de ton plan… Tes frères. Tu ne les as pas mis au courant. Tu ne sais pas quelles vont être leurs réactions. Ou plutôt si. Tu sais déjà qu’Ekaitz risque d’être fou de rage. Quant à Jahan… Déçu. Peut-être. Et ça, ça te retourne l’estomac d’avance. Et tu files, tu cherches partout après Ekaitz. Lui que tu avais laissé dans la grande rue. Lui que tu n’as vu passer nul part… Tu es étonnée de ne pas l’avoir vu débarquer. Tu es étonnée de ne l’avoir vu strictement nul part et au final… Ça t’angoisse.

Alors tu uses ton gaz pour observer chaque recoin de cette maudite ville et soudain… Soudain tu le remarques. Ou plutôt tu les remarques. Jahan est là. Tu fronces les sourcils, te demandant lorsqu’il est arrivé mais… Tu ne cherches pas plus loin. Tes pieds se posent sur un toit, juste au dessus d’eux, et tu les regardes de haut. « Vous êtes là… » Que tu murmures, soulagée de les retrouver. Enfin. Tu lâches tes lames, tu te laisses tomber vers eux avec l’envie d’aller les serrer contre toi. Fort. Si fort… Mais tu te reprends bien vite et fais quelques pas en arrière sans les toucher. La tension est palpable. Et c’est ce qui te fait garder tes distances, pour une fois. « Je devais le faire. » Tu essayes d'adopter une expression calme. Fermée. Tu ne t’excuses pas. Ou du moins pas encore. Tu attends que leur colère déferle sur toi, parce qu’au final, c’est ce qui va se passer. Mais si tu ne leurs sautes pas dessus… Ta rage remonte lorsque tu remarques les plaies sur le visage d’Ekaitz. « Qu’est-ce que… » Tu t’avances vers lui et poses une main tremblante sur son visage afin d’observer ses plaies qui déjà se referment. « Qui t’a fait ça? » Grognes-tu, menaçante. Tu vois, les bleus, les marques qui commencent à disparaître lentement, mais lorsque tu vois son état actuel… Tu te dis que cela devait être bien pire.