Pourquoi fallait-il que tu sois de garde sur la moitié de ce festival, hein ? Toi qui ne rêvais que de rester à Karanes, en te disant qu’avec tout ce remue-ménage du côté de Trost, ce serait plus calme que jamais … c’était raté. Tu n’avais pas de famille, et peu d’amis. De ce fait, assister à un tel festival, c’était la déprime assurée en ce qui te concernait. C’était de ta faute, tu le savais, avec ta tendance à toujours rester dans ton coin, tout ça parce que tu ne voulais pas avoir à décevoir les gens plus tard, à cause de ce que tu étais, au plus profond de toi.

Cependant, c’était sans compter sur le fait que non, Cain, tu n’étais pas ceux qui décident. Tu étais et resterais probablement à jamais un soldat, juste un soldat, du genre qui doit obéir et se plier à ce qu’on lui dit de faire et cette semaine, au moins pour trois jours, on avait besoin de toi pour renforcer la sécurité à Trost. Vu que tu n’avais jamais aimé être en retard, tu avais pris de l’avance pour y arriver, une journée, en fait, ce qui fait que tu étais arrivé au beau milieu du premier jour des festivités et que, tout en traînant ton cheval derrière toi, il avait fallu que tu te mettes à traverser la foule pour rejoindre le QG de la Garnison du coin pour déposer la pauvre bête assoiffée à l’écurie. Le temps de retirer la selle, de lui donner de quoi se mettre à l’aise, et tu étais ressorti, vite fait, bien fait. Franchement, maintenant, il ne te restait qu’à espérer de pouvoir trouver une chambre dans leur minuscule QG … les renforts en Garnison étaient nombreux, et puis, tu doutais fortement de pouvoir compter sur une auberge, pas avec ce gros festival dans les rues et le monde qui s’était agglutiner à Trost pour toute la durée de ce dernier.

C’est donc très peu confiant, et soupirant, et un peu transpirant aussi – parce que merde quoi, il faut chaud ici – que tu te jettes à nouveau dans le tumulte de la foule, déterminé, tu joues des coudes un bon moment avant de … « Oh non. » Que tu marmonnes. Et tu t’es arrêté tout net. Figé. Parce que tu l’as vue, hein, la jolie brune. Encore elle. Elle s’avance, tranquillement, elle vient pile dans ta direction, et toi, t’es déjà en train de chercher un truc, une option, une sortie, un trou, peu importe, juste de quoi fuir, en fait. Sauf qu’il y a du monde. Ça transporte des trucs, ça porte les enfants, ça se bouscule, ça se déplace collés-serrés. Et toi, tu fais cette chose, très conne, tu changes brusquement direction, juste au moment où tu croises ces deux types qui transportent un banc en bois en le portant au-dessus de leur tête. Ouais. Au moment où tu te tournes, tu te manges le pied du banc et pleine poire, pile sous l’œil. Certains diront que t’as eu de la chance, toi, t’as juste reculé en pestant parce que forcément, vu que t’as crié comme une fille, tout le monde t’as forcément remarqué.

Jolie et intimidante. Ces deux mots tournaient en boucle dans ma tête depuis l’autre soir. Il ne m’avait même pas laisser le temps de réagir, qu’il avait déjà tourné les talons. En rentrant à la maison, j'avais biens sur trouver ma mère, assise à la table de la cuisine. Peu importe l'âge que j'avais, elle m'attendrais toujours à la maison. A croire que je serais éternellement une adolescente à ses yeux. Du coup, je fis comme toutes les adolescentes, je me tournais vers ma mère quand je ne comprenais pas un garçon. Je lui avais alors tout simplement demander, alors que nous étions dans le couloir pour regagner nos chambres respectives, à quoi pensait un garçon quand il disait d’une fille qu’elle était jolie et intimidante. Elle m’avait alors regarder avec un sourire. « Un homme n’est intimidé par une femme que pour deux raisons ma chérie. Soit elle est bien plus forte que lui, soit il en est amoureux. » Et elle m’avait laissé là, dans ce couloir obscur, à me torturer les méninges. Et je n’étais pas là plus douée pour me torturer les méninges sur ce genre de sujet. J’étais entrée dans ma chambre et m’était allongée sur mon lit sans même prendre la peine de me déshabiller. Aucune des deux réponses de ma mère ne collait. A l’entraînement, il avait toujours été meilleur que moi. Il avait fini onzième et moi, juste dérrière lui. Quand aux sentiments amoureux… Ne venait-il pas de m’avouer qu’il était gay ? Décidément, Cain resterait un mystère. Au moins, je savais que je n’avais pas mauvaise haleine.


Du coup, le lendemain en me levant, j’avais décidé que je prendrais ça pour un compliment. Et s’était contente de moi que j’avais acceptée cette idée. Du coup, j’avais décidé que je lui trouverais un copain. Elijah m’avait offert quelques pistes à explorer. Mais les jours étaient passés sans que je ne tombe sur mon mystère préféré. Et le festival était déjà là. Je savais que la garnison y serait de service. Alors avec un peu de chance… Et puis, je profitais tout de même des réjouissances. Je regrettais presque de ne pas avoir emmené une jolie robe. Mais étant venue avec amour, monter en jupe aurait été bien compliqué. Mais voir toutes ses filles en porter me donnait envie. D’un autre côté, je n’en avais pas beaucoup. Curieuse, je m’arrêtais dans une boutique qui en montrait quelques une. Après hésitation, je rentrais finalement pour faire une folie. Je ressortis du magasin avec deux robes dans ma besace, une pour Faith, une autre pour Tigern. Et une troisième que je portais sur moi. Elle était simple, mais je me sentis tout de suite jolie. Bien que pas forcément intimidante. 


C’est quand je repris mes déambulations dans la foule que je le vis. Il semblait perdu, cherchant quelque chose autour de lui. Je vis le banc arrivé vers lui, mais n’eut malheureusement pas le temps d’arriver vers lui et de le prévenir. Je grimaçais de douleur pour lui quand il se prit le meuble de plein fouet. Je me frayais un passage au travers de la foule et l’atteignis finalement. Pas mal de passant c’était arrêté en l’entendant crier. Quand j’arrivais finalement à son niveau, je l’entendis pester contre lui même. A sa place, j’en ferais de même. D’ailleurs, en y réfléchissant un peu, je me rendais compte que l’accident avec quelque chose de comique. Je ne pus retenir un petit rire, alors que je revoyais la scène dans ma tête. « Décidément, quand on se croire, il se passe toujours quelque chose ! »

Cette fille, Cain. C’est … un instrument de torture. C’est ta torture. A chaque fois qu’elle croise ta route, tu peux être certain que ça va très mal se terminer pour toi. Et tu sais quoi, mon vieux ? T’as encore été assez stupide pour imaginer qu’après l’avoir croisée malencontreusement à Karanes, tu arriverais à l’esquiver de nouveau, disons pour une vie, voir deux, histoire d’être large. Mais non ! Forcément, non, Cain. Le fait de l’avoir revue, ça aurait dû te mettre la puce à l’oreille. Elle a dû te maudire. C’est ça. Maintenant, tu es condamné à lui tomber dessus par hasard de façon régulière jusqu’à ce que mort s’en suive. Et là. Vois-tu, c’est passé loin. Ce banc en bois là, tu l’as senti passer, et bien comme il faut. Du coup, t’es planté, tu pestes, et puis t’agites à nouveau, et tu pestes encore, le tout, en ayant la main posée à plat contre ton visage, sous l’œil, pile à l’endroit où ça a cogné … alors, tu vois, elle t’a remarqué maintenant, hein. En clair, en essayant de fuir, tu as obtenu tout l’inverse de ce que tu voulais. Non seulement, t’as mal, mais en plus, elle t’a vu, et elle s’est même approchée dis donc.

« Ouais, ouais … » Que tu marmonnes. Non, en fait, tu grognes carrément comme une espèce de sale bête en train de passer une très mauvaise journée. T’as presque failli lui lancer à la tête que c’était de sa faute, tout ça, mais ça saurait si tu avais de la répartie et surtout du cran face à Erin Mahon. Que c’est dommage, Cain, que la nana que tu désires le plus au moins soit celle qui te parviennes à te les couper nettes. Non vraiment, on ne fait pas plus malchanceux que toi sur cette fichue planète.

Tu finis par souffler, un grand coup, et par retirer ta main. Probablement que t’es bien rouge, et que t’as même déjà le début d’un beau bleu au milieu de la tronche … t’as sans doute l’air bien con là, mais bon, ce n’est pas comme si tu n’avais pas l’habitude non plus. Tu n’as plus trop besoin de te soucier de tout ça, à force, elle doit avoir une image de toi complètement … nulle, et un peu réaliste malheureusement. Déjà que maintenant, rappelons-le, elle croit que tu es gay. Oh non. Tu n’aurais pas dû repenser à ça. Surtout que … « Owh. » Ah. Ça, c’est … c’est un bruit. C’est parce que tu viens de relever la tête, de laisser tes yeux glisser le long de ses longues jambes et remonter jusqu’en haut, lentement. Ce qu’elle est belle. Pourquoi faut-il que cette femme soit si belle ? Est-ce qu’elle se rend compte que sa seule et unique présence, devant toi, dans cette robe est une véritable torture pour toi ? Et qui tu ne t’écoutais pas tu pourrais … Non, oublie. Tu n’aurais jamais le cran de faire quoi que ce soit, et en plus, non, elle ne se doute de rien, elle croit que tu es gay. Pourtant, t’es attaché à elle. Tu ne peux pas faire autrement, cette fille c’est ton coup de foudre. Probablement l’amour de ta vie, rien que ça, oui. Tu serais probablement prêt à tout pour elle. Alors quand tu vois le second groupes de type, qui déboule à toute vitesse avec un autre foutu banc, tu finis par faire un bond en avant, par lui attraper la main et la tirer vers toi d’un coup sec pour la ramener contre toi, et même enrouler ton bras autour de sa taille. « Quelle bande de crétins ! » Que tu finis par lâcher, en fronçant les sourcils.

Oui, je sais, c’était pas gentil de me moquer de lui. Mais d’un autre côté, c’était dans ma nature. Et puis, je pouvais voir qu’il allait quand même bien. Bon, il allait se taper un beau bleu, mais quand même, il était en vie. Il en avait connu des pires à l’entrainement. Je pouvais donc me perdre de rire un peu avant de m’inquiéter pour lui. « Ouais, ouais … » Visiblement, il n’aimait pas vraiment mon humour. D’un autre côté, je n’avais encore jamais réussi à le faire rire aux éclats. Difficile en étant intimidante. Il finit par redresser la tête vers moi. Il emet un nouveau son très étrange. Surement à cause de la douleur. D’ailleurs, oui, il va avoir un bel hématome sous l’oeil. « On devrait mettre un peu de glace dessus. Histoire que ça gonfle pas trop. Ca va casser ton côté beau gosse sinon. » Oui, oui, je venais d’avouer que je le trouvais beau. En même temps, le dire à un gay n’avait pas vraiment d’incidence, pas vra ? De toute manière, j’ai à peine le temps de finir ma phrase que je sens sa main attraper la mienne pour m’attirer contre lui. C’est là que je vois un deuxième banc passer. Mais leur but c’est d’assomer les gens ou quoi ? Cain venait de me sauver d’un méchant coup. « Quelle bande de crétins ! » Je relevais la tête vers lui. C’est que j’étais bien là, son bras autour de ma taille en un geste protecteur. Tellement dommage qu’il soit gay. Parce que oui, je devait me rendre à l’évidence, il me plaisait bien plus que ce que je pensais. Et puis, il faisait partie des gentils. De ceux qui aidaient les autres. La preuve, faisait partie de l’équipe de Lightwood. L’une des rares équipes de la garnison connu pour véritablement faire leur boulot. Du coup, me retrouver comme ça contre lui, ben ça faisait accélérer mon petit coeur, mine de rien. « On ferait peut-être mieux de trouver un endroit plus à l’abri et où on pourra soigner ton visage. » Je disais ça, mais je ne faisais pas un geste pour quitter ses bras.