Cela faisait plusieurs semaines qu’Acacia vivait aux crochets de Madame Ainsley, à son plus grand regret. La femme, elle, n’avait pas l’air d’en être très dérangée, au contraire. Il semblait justement qu’elle adorait prendre soin de quelqu’un, avoir une personne qui lui tenait souvent compagnie, une demoiselle à qui faire la conversation ou qui coupait les légumes avec elle pour le repas à venir. Mais, même si Acacia avait très à cœur cette dame, qui l’avait sauvée de la rue, elle ne pouvait se résoudre à vivre éternellement de cette façon, sans rien faire d’autre de productif de ses journées. Elle n’avait jamais été très travailleuse, même au sein de sa famille, mais là-bas elle était parmi les siens, elle ne devait rien à personne. Alors que maintenant, elle commençait à se sentir redevable. Elle voulait aider cette bonne femme, ainsi que sa fille, qui l’avait accueillie sans rien demander en retour. Maintenant, elle voulait rendre un peu la pareille.

         C’était Madame Ainsley qui l’avait pistonnée et avait parlé d’elle au gérant de l’auberge – encore une dette de laquelle elle devrait s’acquitter. Même si sa ‘mère adoptive’ s’était montrée assez peu encline à la voir quitter le bercail pour aller travailler, qu’elle avait essayé de la raisonner. Mais Acacia était décidée. Elle voulait se montrer utile, pourquoi pas rapporter un peu d’argent, se bouger, quoi. Même si on la considérait comme de la famille ici, elle savait qu’elle n’était pas vraiment chez elle, l’adaptation était donc synonyme de changement. Mais ça lui convenait parfaitement.

         C’est donc le sourire aux lèvres, et pleine d’entrain, que la jeune femme se rendit à l’auberge du District de Trost où on l’attendait. Elle ne savait pas réellement à quoi s’attendre. Surtout vu les énergumènes qu’elle avait déjà croisé dans le coin. Cependant, elle ne serait pas seule cette fois, on lui avait assuré que le patron était un homme de bien. Tant mieux. Elle n’avait pas envie de retomber nez à nez avec des personnes manquant de savoir vivre. Tout ce qu’elle voulait, c’était se faire un peu d’argent. Si tout pouvait se passer dans la plus grande des tranquillités, elle n’en serait qu’heureuse. Mais elle partait bien optimiste.
         Plusieurs heures plus tard, elle se trouvait toujours à l’intérieur de l’établissement. On ne lui avait pas menti, le propriétaire était bien gentil et lui avait expliqué simplement ce qu’elle devait faire. Elle pensait néanmoins qu’il l’avait relâché un peu trop tôt pour être toute seule à servir. Acacia avait vite été débordée. Quelques clients attendaient leurs boissons depuis un peu trop longtemps et se mettaient donc à ronchonner dès qu’elle les leur apportait, un sourire innocent aux lèvres pour se faire pardonner. Rien de bien méchant, mais ça la stressait tout de même. Elle qui aimait faire les choses bien. Elle se trompait parfois de table en apportant les commandes, et avait même renversé une moitié de chope en la réceptionnant au comptoir. Si cela lui avait valu un regard noir de la part du boss, elle trouvait tout de même qu’elle s’en sortait pas mal. Si seulement elle s’était vue, dans sa robe un peu dépareillée et ses cheveux qui sortaient dans tous les sens de son chignon, auparavant si bien serré. Elle aurait ri d’elle-même. Mais elle n’était pas là pour penser à son apparence, loin de là. Elle continua son service comme elle le pouvait, sans tout de suite faire attention à un groupe de soldats qui venait de faire son entrée dans l’auberge.