Je le sens. J’en suis sûre. Ce soir encore, la taverne a organiser un tournois de poker clandestin dans son sous-sol. Je le vois au grand barbu posté dans la ruelle qui longe le bâtiment. Il y a eut aussi ce type trop bien habillé pour habiter à Hermiha. Il puait la richesse. Ce qui ne peut vouloir dire qu’une chose, il est venu dépenser de l’argent. Poster à ma fenêtre, je ne peux m’empêcher de surveiller. J’étais sensée travailler sur la carte de Yarckel commandée par un noble qui décorer son bureau, mais j’en étais incapable. A la place, je notais tous les déplacements suspects, remarquais les poignées de main avec monsieur barbu. Ces réunions semblaient avoir lieu une fois par mois, le troisième vendredi de chaque mois pour être précise. J’avais tenter d’en parler avec un soldat de la garnison. C’était limite s’il ne m’avait pas rit au nez. « Ma petite dame, si des truffions veulent dépenser leurs pognons comme ça, c’est pas mon problème. » avait-il balancé, en m’arrosant de son haleine aviné.

N’y tenant plus, j’enfilais finalement ma veste. J’avais déjà troqué ma jupe pour un pantalon, histoire de facilité mes mouvements. Je ne savais pas vraiment ce que j’allais faire. Après tout, j’étais loin d’être un soldat. Il me suffisait d’entendre mes parents parler de mon frère pour me rappeler à quel point j’avais échouer. Mais resté sans rien faire était au dessus de mes forces. Je sortis alors par dérrière, refermant doucement la porte de ma cuisine. J’aimais beaucoup ma petite maison. Ma seule réussite. Son seul défaut, était son voisin d’en face.

J’hésitais un instant à l’idée d’entrer la taverne. Ce que j’avais fait il y a quelques temps. Sauf que je m’étais rendu compte que les joueurs entraient par la ruelle. Dans la cour arrière, il devait y avoir un accès au sous-sol. Les livraisons se faisaient toujours par là, c’est donc qu’il devait y avoir une réserve dérrière. Sauf que pour entrer dans la ruelle, je devais passer devant le barbu. Il devait y avoir un mot de passe. Je les avais tous vu se pencher à son oreille avant de passer. Il était là pour surveiller qui entrait ou pas. Je restais alors là, poster dans l’ombre. Attendant une ouverture pour me faufiler.

Hermiha. Ce merveilleux district. Cette poubelle où s’entasse des centaines de villageois qui n’attendent qu’une chose: pouvoir un jour sortir de la misère pour enfin entrer entre les murs de Sina. Ces pauvres villageois qui attendent… un signe, un miracle pour enfin évoluer parmi la richesse. Tu pousses un soupir et te détourne d’un groupe de gamins après leur avoir donné une pièce. Tu es pressé aujourd’hui Spencer, ou plutôt tu te presses… sans vraiment te presser. Tu sais que tout vient à point à qui sait attendre, et justement la patience fait parti de ton caractère. Et tu peux bien prendre deux minutes de ton temps à donner quelques pièces à ces pauvres gamins affamés.

Tu es juste Spencer. Ou du moins tu essayes de l'être. Ce n’est pas tous les jours facile, tu n’as pas un salaire qui te permet de faire vivre tout un district. Pourtant t’es né parmi la noblesse. Peut-être que t’aurais pu changer les choses. Ou peut-être pas. T’as essayé. T’as perdu. Ton père a vite essayé de te mettre en cage pour que tu conserves ton titre, pour que tu comprennes que tu étais important et les autres non. Peine perdu. Non. Toi tu grimpes les échelles à la sueur de ton front, la force de tes bras, et le courage de ton coeur. Tu travailles beaucoup. Beaucoup trop même sans doute. Tu vois tu bosses jusqu’à l’épuisement, mais tu as un but à atteindre. Caporal… Ce n’est que le bas de l’échelle. Au dessus de toi il y a des lieutenants. Un major. Toi tu cherches à atteindre le haut de la pyramide pour pouvoir un jour prendre les grandes décisions et pouvoir éradiquer le vice de ces villes là où d’autres laissent la gangrène s’installer. Toi tu aimerais que ces rues soient tranquilles, qu’il n’y ai aucun trafic, qu’il fasse bon d’y vivre. Oh tu te doutes que ce n’est qu’une utopie mais… tu as envie d’y croire. Et tu es prêt à tout pour aider les autres, voire protéger des gens que tu ne connais pas. Car il faut bien que quelqu’un le fasse n’est-ce pas?

Parce que oui, toi t’as fini dans le peloton de tête. Oui, tu aurais pu intégrer les Brigades Spéciales. Tu aurais été un bon élément Spencer, tu es doué, très doué. Le genre de soldat réclamé près du roi pour assurer sa sécurité mais… Mais ce n’est pas toi. Toi t’es pas prêt à cirer les bottes des nobles. Tu les arbores. Ils ont tout pour aider le peuple, ils ont une brigade créée spécialement pour eux et… ils ne lèvent pas le petit doigt. Alors autant dire que ta décision était prise depuis longtemps. Tu n’as pas eu la moindre hésitation quant au fait d’intégrer la Garnison. Tu n’en avais déjà pas eu lorsque tu as quitté la demeure de tes parents, même lorsque ton père t’a critiqué et t’as dit que tu ne recevrais pas un sou de son héritage. De toute manière toi t’en veux pas, tu sais très bien qu’une partie de cet argent est de l’argent sale. Venant d’endroits comme celui que tu tiens à surveiller dans l’ombre depuis quelques temps déjà.

“ On pourrait croire que vous préparez un sale coup... “ Que tu finis pour chuchoter doucement à l’oreille d’une jeune femme cachée dans l’ombre d’un muret. “ Que fait une jolie demoiselle cachée derrière un tas de caisses? Ça mate bien? Vous cherchez un gros poisson pour vous sortir de votre misère? “ Tu vois, tu viens là pour entrer dans ce bordel. Ça fait plusieurs semaines que tu observes, de loin, ça fait plusieurs semaines que tu regardes les allés et venus, que tu regardes quels trous de balle peut entrer. Pour le moment t’as pas encore mis ne serait-ce qu’un pied dans cette taverne, pourtant aujourd’hui t’es plutôt habillé comme un… un quoi d’abord. Chemise ouverte, sale, mais pas trop. Pantalon et bottes usés. Long manteau rapiécé et chapeau sur la tête, tu as même laissé pousser ta barbe pour paraître plus négligé et entrer là dedans sans te faire remarquer. Autant dire que clairement, t’es pas un bonhomme qui peut inspirer confiance aux premiers abords, surtout que t’as bu un peu pour faire style que t’es un ivrogne qui vient chercher sa picole. “ Ou alors vous vous planquez là pour attendre votre mari et lui tomber dessus? “ Ouais allez, forcément que tu cherches à savoir qui elle est. Manquerait plus que t’aies pas remarquée une fouine, ou un guetteur et ça ferait voler tout ton travail en éclat.