Histoire ▬ « Tempérance ! Tempérance où es-tu? » Ton père souffle et tape du pied sur les dalles de marbre, visiblement frustré par la situation. Tu ne vois pas son visage, mais tu l'imagines très bien. La moustache frémissante, les lèvres tremblantes et le visage rouge de colère, non tu n'as aucun mal à t'imaginer le tableau. Tu déglutis et gardes les yeux rivés sur les magnifiques chaussures de cuir ornées de boucles d’or. Cirées, brillantes, elles sont impeccables et luisent à la lumière des lampes. Tu pinces les lèvres et respire le moins fort possible. Tu es invisible aux yeux de ton père. Cachée sous le lit, protégée par le tas de draps retombant sur le sol, tu restes allongée, attendant patiemment que la menace s'éloigner.
« Abrutie de gosse. Où est-ce qu’elle s'est encore planquée.. » Ton père maugrée avant de tourner les talons. Tu ne bouges pas, patientant quelques minutes encore. Tu sais qu'il ne cessera les recherches que lorsqu'il aura mis la main sur toi. Il veut sans doute encore t'emmener dans l'une de ces fastueuses soirées du mur Sina afin de te présenter d’autres garçons. Mais toi, ce que tu veux, c'est lire, et en apprendre toujours plus. Toi ce que tu veux, c’est qu’on te foutes la paix. T’aimes pas les bals. T'aimes pas devoir te pavaner. Un oeil rivé sur les écrits, et l'autre sur les illustrations, tu t'émerveilles devant les grandes étendus bleus, vertes, jaunes, rouges... Devant tous ces peuples étranges aux cultures variées. Tout cela semble tellement passionnant. Tout ceci a disparu… Tu soupires et tournes les pages. Tout ça te fascine. Tu aimerais tant explorer... Et non siéger auprès d’un noble ou tu ne sais quoi comme ton père le souhaite... Tu veux sentir le vent dans tes cheveux et toujours découvrir de nouveaux horizons. Et pourquoi pas...
« Ah je t'ai enfin trouvée ! Espèce de garnement ! File te changer ou tu auras droit à une sacrée rouste ! Et lâche moi ce livre ! »†
C'est ainsi que commence ta dure vie. Enfin dure... Tout est relatif. Tu as à mangé, tu peux avoir tout ce que tu veux, quand tu veux. Mais si ta mère et ton père te couvrent de cadeaux, il n'en reste pas bien qu'ils sont tout deux bien différents. Ta mère est calme, douce. Tu aimes aller sur ses genoux, tu aimes lorsqu'elle te coiffe, c'est elle qui t'a appris à lire et qui t'as donnée cette passion. mais s'il y a une chose que tu n'aimes pas chez ta mère, c'est bien de la voir soumise à ton père. Cupide, désirable d'en avoir toujours plus, il ne voit qu'en toi une pièce sur son jeu d'échec. Tu es devenue sa reine, non pas parce que tu es tout pour lui, mais tout simplement parce qu'il voit en toi le dernier moyen d'abattre ses cartes pour obtenir enfin ce qu'il souhaite: une place dans la noblesse. Et ça Tempérance, on peut dire que tu l'as compris relativement vite. Alors tu as bien vite laissé de côté ce caractère docile qu'essayait de t'inculquer ta mère. Tu as arrêté d'obéir. Et ça, ça n'a pas plus à ton père.
†
Profondément agacé par ce manque de volonté dont tu fais preuve, ton paternel te place chez une vieille gouvernante afin qu'elle t'apprenne les bonnes manières, te trouvant un peu trop indisciplinée à son goût. Tu vois, une vieille gouvernante connue pour sa poigne de fer, une vieille gouvernante qui sait faire marcher les enfants au pas, même ceux de la pire espèce. Et si dans les premiers temps tu te rebiffes toujours contre elle, ses coups de martinet sur le dos te font bien vite réfléchir. Cette vieille gouvernante, tu ne réussirais pas à la faire fléchir, tu ne réussirais pas à t'en débarrasser aussi facilement. Il fallait trouver un moyen de fuir, trouver un moyen de sortir de cette cage dans laquelle tu te sentais enfermée, enchainée. Parce que t'es en train de crever à petit feu dans cette maison, la flamme qui brûle en toi s'éteint progressivement. Oui Murph' , les choses allaient de pire en pire... Comme tout ce qui te touche de près ou de loin. La malédiction familiale pèse sur toi.
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T'as fini par rencontrer une petite fille dans la rue un jour. T'avais réussi à t'échapper de la poigne de fer de la gouvernante. T'as volé une tourte au fromage à un marchand parce que ça fait bien deux jours que t'as pas eu à manger. Les coups de fouet ne sont pas assez pour ton sale caractère. Qu'à cela ne tienne, la gouvernante est plein de ressources en ce qui concerne les punitions. Et alors que tu te terres dans une ruelle pour manger ta tourte, tu vois cette gamine, cette petite mendiante. Et t'as eu une illumination. T'as fini par remarquer que la vieille bique est à moitié aveugle, un des rare points positifs. Alors tu lui donnes ta tourte, et tu lui demandes si elle veut bien ta place.
« T'auras un toit et à manger » Que tu lui dis.
« Mais il faut que tu fasses tout ce qu'elle te dit. » Tu la mets en garde après une hésitation. Tu lui fait promettre de garder ta place.
« Reconnaissante » que tu lui sors. Elle prend ta place chez la gouvernante - qui ne sait même pas à quoi tu ressembles - et toi tu vas faire l'armée. Et quand tout sera terminé, elle pourra toujours compter sur toi.
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Et tu fais tes classes. Quatre années d'armée. Quatre années longues et ô combien difficile pour toi. Si la gouvernante t'as appris la faim et la colère, l'armée t'apprend la douleur et la détermination. Ce sont quatre années qui se sont mal passées pour toi, ta poisse légendaire te collant au train. Mais t'as travaillé, t'as bûché. T'as tout fait pour rester, et pourtant dieu sait combien de fois t'as failli abandonner. Combien de fois t'as failli crever. Le périple a été long. T'as fini onzième de ta promo, à ton grand dam, toi qui voulait rejoindre les Spéciales pour trainer sous le nez de ton père en uniforme. Mais pour une fois dans ta vie t'as eu de la chance. Le dixième est mort le jour juste avant la cérémonie. Alors t'as pu prendre sa place. Il te semblait alors que tu pouvais enfin prendre ta vie en main, sans papa sur le dos, et la malédiction des O'Murphy écartée.
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Mais ton père n'a pas laissé tomber. Prêt à tout pour entrer dans cette sphère si privé, si minuscule, il accepte que tu restes dans les Brigades Spéciales si tu acceptes un mariage arrangé. Un mariage avec un homme qui semble bien pressé lui aussi de marier son fils. Si le père est un noble vendeur d'armes, tu n'as aucune idée de qui semble être son fils. Et ton père ne semble pas décidé à le rencontrer pour se faire une idée. Un noble qui accepte une fille soldat... Il ne pensait sans doute jamais en rencontrer un.
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C'est donc remontée que tu t'attends à rencontrer ton futur époux. Si tu as enfin réussi à échapper à ta figure paternelle grâce à l'armée, tu ne peux malheureusement pas te soustraire à son nom. Et si tu ne souhaites pas disparaître totalement, c'est simplement parce que ton père menace de faire tout ce qui est en son pouvoir pour te faire radier de l'armée. Alors pour la première fois de ta vie tu te sens acculée, tu ne peux que te résoudre à te soumettre, et ça, tu comptes bien le faire payer à ton futur époux.
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