Histoire ▬
« Eh regardez ! C'est l'Anomalie ! » Tu joues tranquillement dans la rue pavée, avec tes billes lorsque les rires fusent. T'es pas bien grand. T'as que 4 ans. Tu ne comprend pas tout ce qu'il se passe autour de toi. Mais ce n'est pas la première fois qu'on se moque de toi. Tu relèves la tête. Face à toi, il y a deux garçon et une fille d'environ 7 ans. L'un deux s'approche.
« Eh. Donnes moi tes billes. » Tu attrapes les trois petites perles qui trainent devant toi et les serres contre toi, secouant la tête négativement.
« Non? » Le petit garçon a un sourire cruel. Son pied part. Tu reçois un coup dans le ventre qui te fait retomber. L'air est expulsé de tes poumons tandis que la main qui retenait les billes s'ouvre sous le choc. Tu te précipites pour les ramasser, mais le garçon t'écrase la main de sa chaussure.
« Tut tut tut. Les bizarres comme toi ça a pas le droit de jouer. » Il te donne un coup de genou qui te fracasse le nez. Tu te mets à pleurer non pas à cause de la douleur, mais parce que tu veux qu’il te laisse tranquille. Il t'attrape les cheveux et te traine dans la boue, tâchant les vêtements propres que la nonne t'avait donné ce matin.
« Arrête de chouiner le monstre. » Tu le regardes, serrant tes petits poings sous la colère. Il te frappe à nouveau au visage, terrifié.
« Me regarde pas nigaud. » Il te donne encore un ou deux coups, ramasse tes billes puis finis par s'éloigner de toi en compagnie des deux autres qui avaient assisté à la scène en riant, te laissant recroquevillé dans la boue, couvert de sang et emplit de haine.
†
Lorsque tu arrives à l'orphelinat, la nonne te lance un regard effrayé.
« Mon pauvre petit que t'es t'il arrivé? » Elle te prend la main et t'emmène dans la cuisine. Elle t'assoie sur un tabouret et prend une serviette qu'elle mouille avant d'entreprendre de nettoyer ton visage. Tu ne dis rien. Tu te laisses faire. Tu ne cries pas non plus. Tu ne ressens rien, mis à part cette colère dans ton coeur.
« Que s'est t'il passé? » Tu relèves tes yeux gris et froids vers elle. Tu te sens bien. Très bien même. Et c'est bien là le problème.
« On m'a embêté. » Dis tu simplement.
« Qui t'as fait ça? » Tu serres les poings, sentant les petites billes au creux de ta paume.
« Des enfants... » La nonne s'apprête à reprendre la parole, mais tu la coupes.
« Parce que je suis... Différent. » Elle s'accroupit près de toi.
« Mais nous sommes tous différents Pandore. C'est ce qui fait la diversité des gens. » Tu secoues la tête.
« Il me traite de monstre, d'anomalie. » Elle te remet les cheveux en place.
« Ne les écoute pas. Tu n'es pas un monstre. Les gens ont juste peur de ce qui est différent, parce qu'ils ne le comprennent pas. Ils ne cherchent pas à comprendre. Mais ils ne devraient pas avoir peur, il n'y a aucune raison à ça. » Tu hausses les épaules, peu satisfait pas sa réponse. Et soudain, on entend un claquement. La femme soupire.
« Viens, on va aller voir le docteur Ceylian pour être sûre que tu n'as rien de grave. »†
« C'est dangereux. » Voilà ce que te rétorque Ceylian lorsque tu lui dis que tu veux intégrer l'armée.
« Je veux me battre. » Il soupire et finis par poser son stylo.
« Pandore... Sais-tu que ta maladie est un handicap? » Tu secoues la tête et fermes les poings.
« Seulement si vous décrétez qu'elle en est une... » Tu te poses sur le tabouret juste en face de lui.
« Docteur. Ma maladie m'empêche de ressentir la douleur, mais elle ne m'empêche pas de combattre. Je veux me battre. Je continuerais de venir vous voir toutes les semaines, à chaque retour de mission... » Ta voix se brise quelque peu.
« Je veux faire quelque chose d'utile. Je ne vais pas passer ma vie dans un cocon au dépend des autres. Hors de question. » Le médecin soupire, mais toi, tu as pris ta décision.
« Je ferais de cette faiblesse une force. »†
Et ça a payé. T'as passé l'armée. Avec difficulté certes. T'as eu des emmerdes, t'as bien failli y laisser ta peau à plusieurs reprises. Ceylian t'avait bien prévenu. Ton corps t'a fait des misères, ton corps a mal vécu ton stress et ta détermination. Mais t'as jamais abandonné. Dès que tu sortais de l'infirmerie tu retournais aussi sec au travail. Tu n'aurais abandonné pour rien au monde. Depuis petit tu voulais rentrer dans l'exploration, un rêve de liberté sans doute, après avoir passé ton enfance entre quatre murs gris et sales. Et puis, tu sais que ta perte ne causerait pas trop de dégâts. Tu n'as personne dans ta vie. Alors tu t'es battu. T'as appris à faire attention à toi, t'as appris à remarquer certains bobos. T'es pas pudique pour un sou de ce fait, à toujours te montrer à tout le monde pour être certain que t'as pas de gros bobos. Et pour le moment on peut dire que ça te réussit. Mais tu le sais Pandore, que tu risques de pas crever vieux. Tu le sais que tu vas pas faire de vieux os. Tu finiras sans doute par périr de la main d'un titan. Ou parce que ton corps t'aura lâcher. Mais jamais tu ne laisseras quiconque te retirer de l'exploration.